L'ex-président et chef de la direction de la Banque Nationale a accordé une grande entrevue à Patrice Roy.
Louis Vachon a eu une carrière impressionnante à la tête de la Banque Nationale.
Pour l'ex-président et chef de la direction de cette institution financière, le succès économique est indéniablement une source de fierté. Bien des choses vont faire qu’on va préserver une société francophone en Amérique : les lois jouent un rôle [...], la fierté joue un rôle et le succès économique aussi.
L’arrière-grand-mère de Louis Vachon, Rose-Anna Giroux, est l’entrepreneure à l'origine des fameux gâteaux Vachon. Pourquoi a-t-elle initialement acheté une boulangerie qui est devenue une pâtisserie? C’était pour rapatrier ses fils, qui avaient tous émigré aux États-Unis pour trouver de l’emploi
, raconte l’ancien banquier.
Pour lui, le succès en affaires n’est donc pas uniquement une question économique : c’est une question d'identité culturelle
.
Une vision de l’économie du Québec
Les bons résultats de la Banque Nationale, la plus petite des six grandes banques canadiennes, sont donc particulièrement importants aux yeux de Louis Vachon. C’est un beau succès, pas juste pour la Banque Nationale ou les actionnaires mais pour le Québec en général
, souligne-t-il.
Ça reflète une vision de l’économie du Québec, notre capacité de croître et de gérer notre économie, qui est beaucoup plus positive qu’il y a 20 ans
, ajoute-t-il.
Si vous êtes capables de convaincre qu’on est capables de prospérer en français en Amérique du Nord, eh bien, vous allez être capables d’intégrer une plus grande proportion d’immigrants qui viennent ici.
La Banque Nationale a d’ailleurs publié une étude le 15 janvier dernier dans laquelle elle affirme que le Canada est aux prises avec un piège démographique et que l’économie actuelle est incapable de gérer les niveaux d’immigration.
Louis Vachon est d’accord avec les constats de ses anciens collègues. Il y a eu un manque de contrôle
, soutient-il. Je ne suis pas dans le pessimisme, mais il faut retrouver un certain équilibre.
La Banque Nationale a toujours défendu l’immigration, même quand c’était moins populaire, même dans certaines régions du Québec où c’était moins populaire, mais une immigration contrôlée.
J’ai eu beaucoup de chance
À 44 ans, Louis Vachon est devenu le plus jeune président d'une institution bancaire au Canada lorsqu’il s’est hissé à la tête de la Banque Nationale. Il a tenu ce rôle pendant près de 15 ans.
Même si le banquier a connu énormément de succès dans ses fonctions, son mandat ne s’est pas déroulé sans embûche. Deux crises se sont succédé dès son arrivée : la crise des papiers commerciaux en 2007, puis la faillite de certaines grandes banques américaines en 2008.
On n'a pas paniqué
, raconte l’analyste financier. Ç’a été une crise complexe, mais on a appris des leçons.
Selon lui, la meilleure façon de gérer une crise qui n’a pas pu être évitée, c’est d’être proactif et transparent
, ce qu’il considère avoir fait.
Il faut avoir l’humilité, dans la vie, de reconnaître que le succès, dans une position de leadership, c’est contextuel.
Cet officier de l'Ordre national du Québec croit qu’une nouvelle crise économique pourrait survenir. Malheureusement, il y en a à une certaine fréquence
, explique-t-il.
Selon lui, la tendance humaine à pousser les bonnes idées à l’extrême est en cause. C’est pour ça que les marchés financiers doivent être réglementés et supervisés
, ajoute-t-il.
Aujourd’hui, le risque se trouve dans les endroits qui sont moins réglementés, comme les cryptomonnaies ou d’autres endroits qui ont échappé à la supervision.
L’intelligence artificielle et l’apport de la technologie
Bien qu’il admette que l’intelligence artificielle a déjà révolutionné le domaine des finances, Louis Vachon ne croit pas que le discernement humain pourra être remplacé par les machines. La combinaison gagnante, c’est la combinaison des deux
, affirme-t-il.
Il réfute d’ailleurs l’idée selon laquelle la technologie a fait diminuer le nombre d'emplois dans les banques. Ça fait 15 ans qu’on dit que la technologie va enlever des emplois, explique-t-il. En partie, c’est vrai, et ça a commencé avec les guichets automatiques, mais le nombre d’emplois est passé de 13 000 à 26 000.
Je crois en la technologie, je crois que c’est important, mais il faut garder un aspect humaniste à tout ça.