Un article écrit par Martin Leclerc

Le retour de la LNH aux JO, la fin d’un conflit futile

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Sidney Crosby au moment de célébrer son but en prolongation aux Jeux olympiques en 2010.Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
Sidney Crosby au moment de célébrer son but en prolongation aux Jeux olympiques en 2010.

Les propriétaires de la LNH voulaient s’approprier une partie du hockey international. Ils ont fini par obtenir leur bonbon. Et comme par enchantement, les meilleurs joueurs au monde seront de retour aux Jeux olympiques d’hiver en 2026, à Milan-Cortina d’Ampezzo, ainsi qu'en 2030.

Quand Gary Bettman a accédé au poste de commissaire de la LNH, en 1993, la NBA (dont Bettman était issu) venait de prendre d’assaut le marché international grâce aux immenses succès du Dream Team aux Jeux de Barcelone. Innovateurs, les dirigeants de la NBA manœuvraient pour vendre leur sport à l'échelle planétaire.

En 1998, la LNH lui a emboîté le pas en déléguant ses meilleurs joueurs aux Jeux de Nagano. L’engouement – certains diraient même la dépendance – a été instantanée. Aux yeux des amateurs et des joueurs, le tournoi olympique est devenu au hockey ce que la Coupe du monde est au soccer : la chance de voir les meilleurs joueurs de la planète s’affronter tous les quatre ans. Ce rendez-vous s’est tout de suite avéré incontournable.

À titre d’exemple, le match de finale de la Coupe Stanley le plus écouté en territoire américain au cours des 50 dernières années a été le septième affrontement qui a opposé les Bruins de Boston aux Blues de Saint Louis en 2019. Lors de cette rencontre, NBC a accueilli 8,72 millions de téléspectateurs. Or, neuf ans auparavant, 27 millions d’Américains avaient regardé la finale des Jeux de Vancouver entre le Canada et les États-Unis.

Pour une ligue qui accusait un sérieux retard sur la MLB, la NBA et la NFL, une telle visibilité semblait providentielle. Pourtant, après les Jeux de Sotchi, en 2014, les propriétaires de la LNH ont décidé que les auditoires nationaux et internationaux ne suffisaient plus. Ils voulaient désormais plonger leur paille dans le milkshake des revenus générés par le hockey international.

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Regrettant la belle époque des Coupes Canada, la LNH a décidé en 2016 de présenter sa propre Coupe du monde à Toronto. Habitués à l’effervescence des Jeux olympiques, les amateurs ont vu cet événement pour ce qu’il était réellement : un tournoi qui opposait des employés de la LNH, mis sur pied pour faire une passe d’argent.

Afin d'assembler un tableau de huit équipes, il a fallu regrouper les joueurs européens (autres que les Suédois, les Finlandais et les Russes) au sein d’une même formation. On a par ailleurs concocté un alignement avec les meilleurs joueurs nord-américains de 23 ans et moins.

Au final, cet événement n’a guère suscité d’intérêt et les revenus se sont avérés inférieurs de 50 % aux prévisions.

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Avant les Jeux de 2018 à Pyeongchang, la LNH s’est mise à revendiquer le droit d’exploiter la marque olympique sur ses plateformes, comme le font les commanditaires majeurs du CIO. Le CIO a tout simplement refusé. Si on avait permis à la LNH de créer ce précédent, le circuit de la PGA, le circuit de l’ATP, la NBA et leurs semblables auraient exigé à leur tour qu’on leur donne la possibilité de monnayer leur présence aux Jeux.

Les joueurs de la LNH n’ont donc pas participé aux JO en 2018. Près de quatre ans plus tard, les dirigeants de la LNH se sont désistés des Jeux de Pékin à la toute dernière minute. Et ce, même si la IIHF et le CIO étaient parvenus à trouver des solutions à toutes les inquiétudes exprimées par les dirigeants de la LNH par rapport à la pandémie et aux règles sanitaires extrêmement strictes établies par le régime chinois.

Au cours de la dernière année, les propriétaires de la LNH ont repris le bâton du pèlerin pour tenter d’établir une fois pour toutes leur propre Coupe du monde. Afin d'en arriver à présenter un tournoi digne de ce nom, l’expérience de 2016 leur avait toutefois démontré qu’il fallait s’entendre simultanément avec la IIHF, les fédérations nationales européennes et les ligues professionnelles européennes.

Et dans un savoureux revirement de situation, les dirigeants de la LNH ont été surpris, semble-t-il, que les ligues européennes exigent d’avoir droit à une part des retombées financières qu’allait générer cette future Coupe du monde.

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Au bout du compte, tout ce beau monde a fini par s’entendre. La LNH commencera par présenter un tournoi des Quatre Nations en 2025, alors que la Suède, la Finlande, le Canada et les États-Unis s’affronteront dans un tournoi dont les matchs seront présentés à Montréal et à Boston. Suspendus de toute compétition de hockey international, les Russes resteront sur les lignes de côté.

Puis, à compter de 2028, la LNH présentera tous les quatre ans la Coupe du monde qu’elle souhaitait tant. En revanche, les joueurs de la LNH seront de retour aux Jeux olympiques.

Le tournoi organisé par la LNH ne parviendra sans doute jamais à générer la même émotion qu’un tournoi olympique auprès des joueurs et des amateurs. Toutefois, la LNH aura un milkshake dans lequel elle pourra plonger sa paille, et c’est ce qui importe, semble-t-il.

Quand on analyse le portrait dans son ensemble, cette histoire se conclut d’une manière quelque peu étrange. C’est un peu comme si des types partis chasser un fabuleux orignal ressortaient de la forêt des années plus tard en brandissant triomphalement une marmotte.

Puisque rien n’a jamais empêché la LNH d’organiser des compétitions internationales, on se demande pourquoi, au juste, des joueurs comme Patrice Bergeron, Sidney Crosby et Drew Doughty ont été privés de la chance d’ajouter une troisième ou une quatrième médaille d’or à leur formidable palmarès.

On se demande aussi en quoi les intérêts de la LNH ou du hockey en général ont été servis en empêchant des supervedettes comme Connor McDavid, Nathan MacKinnon, Leon Draisaitl, Auston Matthews, David Pastrnak ou William Nylander de montrer leur talent et de défendre les couleurs de leur pays sur la plus grande scène sportive qui soit.

Mais bon, réjouissons-nous que cette partie de bras de fer soit terminée et que le bon sens ait fini par triompher. On a déjà hâte de voir Sid the Kid passer le flambeau à McDavid et MacKinnon à Milan-Cortina. Pour tous ceux qui aiment le hockey, ce tournoi sera fabuleux.