La première ministre albertaine Danielle Smith a annoncé une série de mesures qui ciblent les jeunes issus de la diversité de genres, dont une excluant la participation des athlètes trans féminines aux compétitions sportives destinées aux filles et aux femmes.
Alors que le gouvernement veut interdire la participation d’athlètes trans féminines dans la catégorie qui correspond à leur genre, il souhaite du même coup collaborer avec les organisations sportives de la province pour développer des divisions mixtes ou non genrées.
Selon Danielle Smith, l'ajout de ces divisions aux compétitions sportives permettra à ces athlètes de participer de manière significative au sport de leur choix.
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Depuis l’annonce des mesures proposées, un incendie de réactions a été déclenché dans l'ensemble de l'Alberta.
Allison Sandmeyer-Graves, directrice générale de l'association Femmes et sport au Canada, indique qu'elle s'est rapidement rendu compte que les justifications utilisées pour interdire des athlètes transgenres féminines dans certains événements sportifs ne tenaient pas la route.
[L'interdiction] va à l'encontre des directives du Comité international olympique, de nombreuses politiques nationales et de directives de politique générale
, explique-t-elle.
[Cette politique] me paraît être un instrument très brutal et, franchement, une solution pour un problème qui n'existe pas.
Quant à la cheffe du Parti conservateur uni albertain, elle suggère qu'une athlète trans féminine a des avantages
physiques par rapport à ses homologues cisgenres.
Des politiques ciblant une fraction de la population
Pour certains experts dans le domaine du sport, celui médical, ainsi que parmi le public albertain, les politiques proposées par la province sont basées sur des préjugés et sur une méconnaissance de la réalité des personnes trans.
À Edmonton, Emmett Lamache, âgé de 30 ans, s’est toujours qualifié de grand sportif.
Après avoir joué dans des équipes de soccer tout au long de son enfance et de son adolescence, il a entrepris des études en entraînement personnel à l'âge adulte. C'est à cette époque que le jeune homme, alors âgé de 23 ans, s'est affirmé homme trans.
Si j’étais au secondaire en ce moment [cette politique] aurait un impact sur moi
, souligne Emmett Lamache.
Il craint que cette politique exclue encore davantage une communauté déjà marginalisée.
C'est une conversation qui est très inflammatoire
, indique-t-il.
Outre les bienfaits du sport pour la santé, Emmett Lamache souligne ses avantages pour la santé mentale, la vie sociale et l'estime de soi.
On devrait plutôt être capable de faire confiance à nos docteurs
, affirme-t-il, ajoutant que le sujet est politisé au détriment d'une communauté fragile et peu nombreuse.
Selon le recensement de 2021 de Statistique Canada, parmi les personnes âgées de 15 à 34 ans, environ une personne sur 650, soit 0,15 %, de la population canadienne était une femme trans.
Des interdictions contradictoires en matière de soins vitaux
Tout en imposant des sanctions sur la participation de personnes trans aux sports, l'Alberta introduit également la première politique du pays qui interdit les traitements hormonaux ainsi que les médicaments qui bloquent la puberté pour les personnes âgées de moins de 16 ans.
L'Association médicale albertaine a rapidement réagi à l’annonce de la province dans une déclaration affirmant que la relation médecin-patient est inviolable et sacro-sainte
.
L'association précise qu'en ce qui concerne les médicaments d'inhibiteur d'hormones, leurs effets ne sont pas irréversibles et qu’à l'arrêt du traitement, la puberté continue.
Le Dr Ted Jablonski est un médecin de Calgary qui se consacre à la médecine sexuelle et de genres depuis près de vingt ans.
Nous n'avons besoin de personne pour imposer des lignes directrices ou des restrictions d'âge artificielles. Il n'y a rien de médical là-dedans
, affirme-t-il.
Ce dernier explique que le cheminement menant à l'utilisation de bloqueurs de puberté ou de traitements hormonaux est un processus systématique qui prend du temps.
Une fois que l'on prend des hormones féminisantes ou masculinisantes, il y a des changements qui ont une certaine permanence
, souligne le Dr Jablonski.
Mais nous ne déployons ces thérapies que lorsque nous sommes arrivés à un point où nous accepterons l'irréversibilité des effets, parce que c'est ce que nous voulons et que ce traitement est jugé approprié
, ajoute-t-il.
Avec les informations de Jennifer Lee et Emmanuelle Prince-Thauvette