Sur plus de 4000 échantillons provenant de cervidés analysés par le Manitoba lors de la saison de chasse 2023, seuls 4 étaient atteints de la maladie débilitante chronique. Cela rend le biologiste de la province, Richard Davis, optimiste par rapport à l’endiguement de la maladie.
Je suis toujours optimiste. Je pense que nous sommes sur le bon chemin pour réduire la transmission, la ralentir. Quant à si [la maladie] est devenue endémique ou pas, je ne suis pas certain
, dit M. Davis, qui est un biologiste spécialisé en santé de la faune sauvage du gouvernement du Manitoba.
En 2021, la province a découvert la maladie débilitante chronique des cervidés pour la première fois sur son territoire. Cette année-là, cinq cerfs mulets infectés ont été identifiés. Cette espèce est plus susceptible de porter la maladie que les cerfs de Virginie.
En 2022, la province a décelé 17 cas de la maladie chez des cerfs mulets, et 2 infections, parmi les cerfs de virginie. Les cas positifs étaient situés en particulier à deux endroits le long de la frontière avec la Saskatchewan, comme l'explique Richard Davis.
Nous n’avons pas vu de nouveaux cas positifs dans [le secteur où le premier animal infecté a été identifié], Dropmore. C’est prometteur, et il y a seulement trois échantillons positifs dans le sud-ouest. Ça aussi, c’est prometteur
, poursuit le biologiste. Les échantillons proviennent principalement d’animaux tués par les chasseurs.
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Ces trois nouveaux cas positifs sont dans deux cerfs mulets mâles et un cerf de virginie mâle, situés dans un secteur de quelques kilomètres, où il y a déjà eu des échantillons positifs. Les cerfs mulets, en particulier les mâles, sont plus susceptibles de transmettre la maladie.
Nous pensons que nous avons un bon contrôle de ce troupeau de cerfs mulets. Les deux cerfs de virginie dans ce coin pourraient simplement être des débordements des cerfs mulets porteurs de la maladie
, explique M. Davis.
Le cerf mulet est une espèce protégée au Manitoba, mais, l’an dernier, la province a délivré des permis de chasse au cerf mulet pour la première fois depuis des décennies, afin de réduire la population. En 2022-2023, les chasseurs ont soumis plus de 400 échantillons de cerf mulet.
Cette année, il y a seulement eu 80 échantillons. Cela suggère que nous avons été efficaces sur le plan de la réduction de la population et de la capture des bêtes qui étaient malades
, affirme Richard Davis.
Maintenant, la province prévoit effectuer un sondage avec un drone pour déterminer le nombre de cerfs mulets et de cerfs de Virginie dans les secteurs où la maladie a été décelée. Richard Davis dit que, en fonction du résultat de ce sondage, la province pourrait entreprendre des abattages très localisés.
Notre but principal, en allant de l’avant, c’est de continuer notre contrôle localisé de la maladie […] et en même temps de travailler sur des mesures préventives de l’effet des humains sur la transmission
, indique le biologiste.
Le fait de déplacer des carcasses et de nourrir les cerfs par accident ou volontairement contribue à la transmission de la maladie. Richard Davis souligne aussi qu’il faut s'assurer que la population de cerfs reste relativement basse, notamment grâce à la chasse, pour limiter la propagation de la maladie débilitante chronique des cervidés.
L’inquiétante biche de Winkler
La découverte d’un cerf de Virginie femelle infecté près de Winkler vient refroidir l’optimisme de Richard Davis. Ce nouveau cas se trouve dans une partie du Manitoba sans détection antérieure.
Nous avons trouvé ce cerf de Virginie femelle au sud de Winkler, près de la frontière avec le Dakota du Nord. C’est à 200 kilomètres de tout cas positif connu au Manitoba et à l’extérieur de la province. C’est une anomalie. C’est une longue distance pour qu’un cerf de Virginie se déplace. Ce n’est pas du jamais vu, mais c’est très étrange
, affirme Richard Davis.
Pour que cet animal soit infecté, cela laisse entendre qu’il se pourrait qu’il y ait d’autres animaux infectés dans ce secteur
, poursuit-il.
Il note que le nombre d’échantillons provenant de cette région a été relativement élevé ces dernières années, ce qui rend cette découverte d’autant plus étonnante. C’est une grande question pour nous, nous ne savons pas ce qui s’est passé
, précise-t-il.
L’animal en question était jeune, soit environ 2 ans et demi, selon l’analyse de la province.
Nous essayons encore de déterminer comment réagir. Il n’y a pas beaucoup d’outils dans la lutte contre les maladies de faune sauvage. Nous avons effectué des abattages par le passé, mais l’idée d’abattre des cerfs pour protéger leur santé n’est pas idéale
, ajoute Richard Davis.
Pour l’instant, il n’y a aucun test qui permette de déterminer si un cerf vivant est atteint par la maladie débilitante chronique.
Nous pensons faire un sondage aérien. Nous irions dans un hélicoptère compter tous les cerfs dans ce secteur, savoir où ils se trouvent, où ils se rassemblent, quelle en est la population. Nous pensons aussi à installer des colliers émetteurs pour comprendre leurs mouvements dans la région
, poursuit le biologiste.
Réduction du temps de traitement des échantillons
Cette année, les chasseurs ont seulement dû attendre en moyenne entre six et huit semaines pour savoir si les animaux qu’ils ont abattus étaient atteints par la maladie.
Dans une zone le long de la frontière avec la Saskatchewan et le long de la frontière américaine, les chasseurs doivent soumettre les têtes ou les ganglions de cervidés qu'ils tuent à la province afin qu’elle puisse effectuer un test de dépistage de la maladie débilitante chronique.
La zone de soumission obligatoire d’échantillons a été élargie après la découverte de la maladie au Manitoba en 2021. À l'époque, l’obtention d’un résultat de test pouvait prendre jusqu’à six mois ces deux dernières années.
La baisse du nombre d’échantillons de 6000 à 4000 – chose que Richard Davis attribue à une réduction de la population de cerfs due à deux hivers rudes – a aidé à réduire les temps d’attente.
La province a aussi permis aux chasseurs de prélever eux-mêmes les ganglions lymphatiques des cervidés cette année.
Nous avons reçu plus de 400 échantillons prélevés par les chasseurs. Donc, près de 10 % viennent des chasseurs et c’est fantastique pour nous. J’aime imaginer qu’à la place d’un laboratoire qui prélève 4000 échantillons, nous aurions 4000 laboratoires qui prélèvent un échantillon
, indique le biologiste.
Le laboratoire de faune sauvage de Dauphin prélève les ganglions lymphatiques rétropharyngiens des têtes de cervidés et les envoie dans des laboratoires partout au Canada. Jusqu’à cette année, il n’y avait pas de laboratoire au Manitoba capable d’effectuer cette analyse.
Nous avons eu la bonne fortune de nous associer avec l’agence de la santé publique du Canada et son laboratoire national de microbiologie à Winnipeg. Normalement, il ne fait pas ce genre de test, mais il souhaite faire de l’analyse de recherche à ce sujet. Alors nous avons commencé un partenariat, nous lui avons envoyé des échantillons, et cela a rapidement accéléré les choses
, indique Richard Davis.
La maladie débilitante chronique des cervidés est une maladie à prions comme la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Pour l’instant, ces maladies sont mortelles et incurables, chez l’humain comme chez les cervidés.
Bien qu’il n’y ait aucune preuve de transmission de la maladie débilitante chronique aux humains, Santé Canada recommande de ne pas manger de viande d’un animal infecté.