Budapest a finalement approuvé l'enveloppe de 50 milliards d'euros destinée à l'Ukraine, après des semaines de tractations.
Après des échanges tendus qui auront duré plusieurs semaines, la Hongrie a finalement levé son veto sur l’octroi par l’Union européenne (UE) d’une enveloppe de 50 milliards d’euros (33 milliards de prêts et 17 milliards de dons) destinée à aider l'Ukraine à combattre l'invasion russe.
La dernière rencontre, en décembre, s’était terminée dans l’impasse. Les dirigeants des pays de l’Union européenne n’avaient pas réussi à statuer sur ce nouvel appui financier. En fait, ils étaient 26 sur 27 à s’entendre. Mais, unanimité oblige, un seul pays membre a réussi à bloquer l’enveloppe : la Hongrie.
Un nouveau rendez-vous a donc dû être fixé, d’où la rencontre des présidents et premiers ministres à Bruxelles jeudi, au terme de laquelle une entente a finalement été conclue.
De tous les dirigeants européens, le premier ministre hongrois, Viktor Orbán, est celui qui entretient les liens les plus étroits avec la Russie. Alors que d’autres pays ont presque complètement coupé leurs relations avec Moscou, la Hongrie continue d’importer du gaz russe.
Depuis l’invasion russe en Ukraine, en février 2022, le ministre des Affaires étrangères hongrois Peter Szijjarto s’est rendu plusieurs fois à Moscou, alors que, jusqu’à tout récemment, il n’avait jamais mis les pieds en Ukraine, pays visité par nombre de ses homologues européens au cours des deux dernières années.
Cette semaine, le chef de la diplomatie hongroise a finalement traversé la frontière qui sépare son pays de l’Ukraine. La rencontre, à laquelle ont aussi participé le ministre ukrainien des Affaires étrangères et un conseiller du président Volodymyr Zelensky, avait pour but d’apaiser les tensions de longue date entre les deux voisins.
L'Ukraine reproche à la Hongrie d'être hésitante à la soutenir devant l'envahisseur russe. Le gouvernement de Viktor Orbán, de son côté, accuse les autorités ukrainiennes de ne pas traiter assez bien la minorité hongroise installée en Ukraine.
Une entente rapide après des discussions tendues
Jeudi matin, les choses se sont déroulées rapidement à Bruxelles. Avant même la rencontre réunissant tous les chefs d’État et de gouvernement, une photo publiée sur les réseaux sociaux a annoncé la tenue d’une autre réunion, en petit comité celle-là. Autour de la table : les présidents de la Commission et du Conseil européens, le chancelier allemand, le président français, la première ministre italienne et…. Viktor Orbán.
Nous avons une entente
, annonçait peu après Charles Michel, le président du Conseil européen, ne précisant pas quelles étaient les conditions. Hier, Reuters rapportait que des représentants européens proposaient de tenir des débats annuels sur cette aide à Kiev, prévue jusqu’à 2027.
Nous aurons un mécanisme de contrôle
, s'est réjoui sur le réseau X Viktor Orbán après le sommet, ajoutant que sa position quant à la guerre en Ukraine n'avait pas changé. Il faut un cessez-le-feu et des pourparlers de paix
, a-t-il ajouté.
Signe que les tensions étaient vives au sein du Groupe des 27, le journal Financial Times rapportait il y a quelques jours que l’Union européenne, visiblement impatiente, était désormais prête à saboter
l’économie hongroise en cas de nouveau blocage de la part du premier ministre Orbán.
La publication britannique disait avoir consulté un document européen évoquant la possibilité de couper tous les fonds européens vers Budapest
. Une telle décision aurait pour impact de rendre les marchés financiers ainsi que les entreprises européennes et internationales moins intéressés par des investissements en Hongrie
.
Dans les extraits du document publiés par le Financial Times, un effet boule de neige sur l’économie hongroise était évoqué, allant jusqu’à une chute de sa devise
, le forint.
Nous n’allons pas spéculer sur ces discussions
, disait en conférence de presse cette semaine un porte-parole européen, ajoutant que des pourparlers avaient été menés à propos de tous les outils à la disposition de la Commission européenne
.
La leçon : il semble que le seul langage qu'Orbán comprend est la vraie pression
, a écrit sur le réseau X le député européen écologiste Daniel Freund, après avoir appris qu'une entente était conclue.
La Hongrie et l’Union européenne n’en sont pas à leurs premières difficultés. L’UE a déjà bloqué des fonds destinés à Budapest en réponse à des politiques qu’elle jugeait non conformes en matière d’État de droit, de liberté de la presse et de droits de la communauté LGBTQ+.
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Convaincre les hésitants
Près de deux ans après le début de la guerre, les dirigeants européens, qui ont multiplié les sanctions contre Moscou et les aides à Kiev, n’ont pas que leur homologue hongrois à convaincre du bien-fondé d’appuyer l’Ukraine.
Depuis l’automne, la Slovaquie, pays voisin à la fois de la Hongrie et de l’Ukraine, est dirigée par un premier ministre dont l’une des premières décisions a été de suspendre la livraison d’armes à Kiev.
Puis les impacts de certaines mesures d’aide à l'Ukraine créent aussi des frustrations.
Par exemple, l’arrivée de produits alimentaires, comme le blé et le poulet, pour lesquels l’UE a levé les droits de douane en appui à Kiev, est vue comme une forme de concurrence déloyale par de nombreux agriculteurs, notamment en Pologne et en Roumanie – des États frontaliers de l’Ukraine –, mais aussi en France. La question fait partie des facteurs à l'origine de la mobilisation qui secoue le monde agricole européen.
Malgré tout, 72 % des répondants à un sondage mené auprès de 26 471 Européens à la fin de l’année dernière par l’institut Katar, pour le compte du Parlement européen, se disaient toujours favorables à un appui financier à l’Ukraine.
Mais trouver la manière de transférer des fonds demeure un défi de taille. Et la pression s’accentue, d’autant que, vu la dynamique au Congrès américain, l’aide de Washington apparaît de plus en plus incertaine.