La suspension de la jeune patineuse artistique russe Kamila Valieva pour quatre ans soulève beaucoup de questions et de colère. Dans la société russe, on commence à s’interroger sur les véritables responsables de toute cette affaire.
Entre autres, l’une des plus grandes légendes vivantes du patinage artistique russe et même mondial, Tatiana Tarasova, interpelle l’entraîneuse de Valieva, Eteri Tutberidze.
Tarasova, figure marquante du patinage, a mené ses athlètes jusqu'aux plus hautes marches des podiums : plus de 40 titres européens ou mondiaux et pas loin d’une dizaine de médailles olympiques. Interrogée après la sanction contre Valieva, elle a envoyé ces flèches en direction de son entraîneuse dans une entrevue accordée à la chaine russe Match TV.
Si, Dieu nous en préserve, une telle situation m'arrivait, je dirais que c'était ma faute, que j’étais confuse, que j’ai donné la mauvaise chose, mais j’en retirerais la responsabilité à l’enfant, a-t-elle déclaré. Cela semble être la seule bonne décision.
Tutberidze, elle, est finalement sortie de son silence en prétextant qu'elle ne pouvait pas parler avant la fin de toute cette affaire.
Depuis de nombreuses années, je travaille, parfois sans jours de congé ni vacances, pour le bien des résultats des athlètes, a-t-elle déclaré à des médias russes. Et comme tout le monde, je veux savoir ce qui est arrivé à Kamila et comment ce médicament est entré dans son corps. Tous mes athlètes étaient et restent propres. Je suis pour le sport propre, il ne peut en être autrement.
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Eteri Tutberidze s’interroge également sur la défense qui a été présentée lors des audiences du Tribunal arbitral du sport (TAS). Certains y voient une manière de se dédouaner et même de fuir ses responsabilités. C’est le cas de la célèbre productrice Yana Rudovskaya, qui s’est exprimée sur la chaîne Telegram où elle n’a pas été tendre envers l’entraîneuse de Valieva.
Chaque ligne respire l’arrogance, chaque ligne dit littéralement : "Je n’ai rien à expliquer, je suis aussi une victime." Sérieusement, Eteri? De qui es-tu la victime? D'une enfant malheureuse, dont la carrière a été ruinée et dont le rêve lui a été enlevé?,
a-t-elle lancé.
Pourquoi devrions-nous te suivre en demandant si quelqu’un a défendu Kamila devant le tribunal? Tu étais censée la protéger! Et devant la cour, et devant le monde, et devant le pays!
, a conclu Rudovskaya
L'Agence antidopage russe (RUSADA) mène présentement une enquête sur l’entourage de la jeune Valieva.
S'il y a une personne qui a agi comme complice ou même comme initiatrice de la prise d'une substance interdite par Kamila, qui n'avait alors que 15 ans, alors ce criminel – il n'y a pas d'autre moyen de l'appeler –doit être puni
, a déclaré la directrice générale de le la RUSADA, Veronika Loginova.
Dans le journal Sovietski Sports, on se questionne sur les avocats qui ont défendu Kamila Valieva devant le TAS, dont l'argumentation était basée sur la contamination de la patineuse par un médicament pour le cœur que consomme son grand-père.
Les avocats russes qui ont défendu Valieva, pour une raison quelconque, n'ont fourni aucune preuve de cette théorie de la contamination. Il fallait au moins montrer l’ordonnance rédigée pour le grand-père de Kamila, ou un reçu de la pharmacie où il a acheté ce médicament. Malheureusement, cela n’a pas été fait
, peut-on lire dans l’éditorial signé par Vitaly Ovsiannikov.
Dans le quotidien Sport Express, on émet des doutes sur l’entourage médical de Valieva.
Les plaignants ont rapporté qu'en 2020, Kamila aurait reçu un diagnostic de cœur athlétique, une maladie cardiaque particulière, s'interroge la publication. Il y avait donc des raisons de prescrire de la trimétazidine à la jeune fille. Pas pour améliorer les performances sportives, mais pour des raisons médicales. Pourquoi, dans ce cas, une exception thérapeutique n’a-t-elle pas été demandée pour le médicament et n’a-t-elle pas été incluse dans le protocole de contrôle antidopage?
Si cela s’est réellement produit, il s’agit d’une énorme erreur de calcul de la part de ceux qui étaient responsables de la santé de l’athlète, poursuit le quotidien russe, même s'il est difficile d'imaginer que des personnes expérimentées aient fait preuve d'une telle insouciance à l'égard de l'un des principaux prétendants à l'or olympique de notre équipe.
L'éditorialiste de Sport Express, Dmitri Spirine, s'interroge lui aussi.
Quoi qu’il en soit, j’aimerais que l’enquête sur cette affaire très médiatisée soit menée à son terme, écrit-il. Au moins pour établir un précédent historique. Après tout, il ne fait aucun doute que si la partie russe avait été en mesure de présenter au TAS le responsable, la punition infligée à Kamila aurait été beaucoup moins sévère.
En attendant la suite, des campagnes de soutien à la jeune athlète commencent à être visibles dans les rues des principales villes de Russie. On peut lire sur certains messages : Kamila, tu es notre or!
Kamila Valieva, elle, a fait sa première apparition publique depuis l’annonce de sa suspension en assistant à un match de hockey de la KHL à Moscou.
Aujourd'hui, notre merveilleuse patineuse artistique Kamila Valieva est venue au match CSKA - Torpedo, a déclaré un membre de l'équipe moscovite. Elle a soutenu Torpedo, et nous l'avons tous soutenue dans cette situation.
Les langues commencent donc à se délier et ce qui est maintenant convenu d'appeler l’Affaire Valieva
semble loin d’être conclue.