Au mois de décembre, le ministre Christian Dubé craignait que les journées de grève des syndiqués du réseau de la santé n'aient un impact sur les interventions chirurgicales.
On retarde à peu près 500 chirurgies par jour
, avait-il avancé. On a baissé notre liste des [patients en attente depuis] plus d’un an et je ne voudrais pas qu’on perde toutes ces avancées
, avait-il ajouté.
Or, selon les données mises à jour par le ministère de la Santé, le nombre de patients en attente d’une opération a fait un bond substantiel de près de 7000 patients le mois dernier pour atteindre 170 829 patients.
Ce nombre est inédit depuis 2020, année où la liste comptait un peu plus de 115 000 patients.
Les patients qui attendent une chirurgie orthopédique demeurent les plus touchés avec près de 42 000 d'entre eux sur la liste d’attente.
Par effet domino, environ 700 patients se sont ajoutés en décembre à la liste de ceux et celles qui attendent depuis plus d’un an, la portant à 14 180 patients. C'est un premier rebond après plus d'un an de baisse graduelle.
Ces retards étaient au cœur d’un plan de rattrapage lancé au mois de mai par le ministre Dubé et par le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), le Dr Vincent Oliva.
L’objectif consistait à réduire le nombre de personnes en attente depuis plus d'un an à 7600 en mars 2024, puis à 2500 à la fin de l'année.
Pour le porte-parole libéral en matière de santé, c’est du jamais-vu. Il n’y a jamais eu, dans l'histoire du Québec, 170 000 Québécois qui attendaient une chirurgie dans le réseau de la santé
, affirme André Fortin.
Si le ministre blâme la grève, il n'a que lui-même à blâmer, parce qu'il a eu un an pour négocier avec les travailleurs de l'État et ce n’est toujours pas réglé en ce moment.
Au cabinet du ministre Dubé, on précise que les récents chiffres comprennent l’impact des journées de grève (report de 4000 interventions), la période des Fêtes ainsi que la montée des virus et l’engorgement dans les urgences
.
Nous sommes conscients qu’il nous reste encore beaucoup de travail à faire et nous n'allons ménager aucun effort dans les prochaines semaines pour continuer à baisser les listes d’attente tout en prenant en compte l’évolution de la situation actuelle
, écrit-on.
Plan de rattrapage compromis
Rencontré au mois de décembre, le président de l’Association québécoise de chirurgie, le Dr Patrick Charlebois, disait estimer que les journées de grève auraient un impact à la hausse sur les listes d’attente.
Diminuer de 30 % nos activités, c’est facile, mais lancer un rattrapage à 130 %, c'est impossible
, avait-il dit. On va donc essayer de travailler à 103 %, mais la courbe de rattrapage va être extrêmement longue.
C'est impossible, complètement illusoire
, affirmait pour sa part la Dre Marie Gdalevitch, qui partage son temps entre le Centre de reconstruction esthétique et orthopédique et l’Hôpital de Verdun, dans le centre-sud de Montréal.
À Québec solidaire, le porte-parole en matière de santé, Vincent Marissal, estime que la clé
demeure le recrutement de personnel.
Moi, je lui demande de plutôt se consacrer à donner de bonnes conditions de travail, de bons lieux de travail, pour qu'on soit capables par exemple de faire rouler nos salles d'opération [...], qui ne roulent pas à leur plein rendement.
Ces nouvelles données sont rendues publiques au moment où Québec s’apprête à recruter le PDG et les administrateurs de Santé Québec, la nouvelle agence qui doit gérer le réseau de la santé plus tard en 2024.