Un article écrit par Marie-Laure Josselin

4 fois plus d’Autochtones auront des troubles neurocognitifs d’ici 2050, dit un rapport

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Pour briser le cycle d'iniquités, le rapport souligne qu'il faut s'attaquer aux racines du racisme et aux causes sous-jacentes. Cela comprend le respect du droit des Autochtones à la santé. Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
Pour briser le cycle d'iniquités, le rapport souligne qu'il faut s'attaquer aux racines du racisme et aux causes sous-jacentes. Cela comprend le respect du droit des Autochtones à la santé.

D’ici 2050, le nombre d’Autochtones au Canada vivant avec un trouble neurocognitif passera de 10 800 à 40 300, soit 273 % de plus, selon un nouveau rapport.

Maladie d’Alzheimer, maladie cérébrovasculaire, dégénérescence… D’ici les 30 prochaines années, les troubles neurocognitifs au Canada vont représenter un problème de santé publique croissant chez les Autochtones. Près de quatre fois plus en seront atteints, une augmentation plus élevée que pour l’ensemble de la population canadienne, selon un nouveau rapport de la Société Alzheimer du Canada.

Le nombre croissant d'Autochtones âgés, les disparités en matière de santé, les inégalités sociales ou encore le stress provoqué par le racisme peuvent favoriser le risque de développer un trouble cognitif, selon un rapport intitulé Les multiples facettes des troubles neurocognitifs au Canada.

Au Canada, plus de 650 000 personnes vivent avec un trouble neurocognitif, dont 10 800 Autochtones. D’ici 2050, ce dernier nombre devrait augmenter de 273 % pour atteindre 40 300. Pour l'ensemble de la population canadienne, le chiffre devrait connaître une augmentation moindre, 187 %.

Les Autochtones de l’Ontario et du Québec connaîtront les plus fortes augmentations de troubles neurocognitifs au cours des trois prochaines décennies, suivis des Autochtones de la Colombie-Britannique et de l’Alberta.

Ces estimations concernant les populations autochtones doivent être considérées avec prudence, car les données concernant les Autochtones sont encore limitées et/ou peu précises, qu'ils vivent en ville ou dans des communautés éloignées.

Afin d'avoir des données actualisées, suffisantes, avec une prise en compte des expériences historiques, culturelles et socio-économiques, l’étude indique que les recherches futures sur le sujet devront être centrées sur les Autochtones et menées par les Autochtones.

Colonisation et troubles neurocognitifs

Comme pour le reste de la population, à mesure que la population vieillira, le nombre de personnes autochtones touchées par ces problèmes de santé et les défis qui l’accompagnent – déclin cognitif, perte de mémoire, d’autonomie, etc. – continuera d’augmenter.

Cependant, écrivent les auteurs, les peuples autochtones sont également confrontés à des obstacles pour accéder aux services de santé et recevoir du soutien. De nombreux déterminants sociaux des troubles neurocognitifs jouent également un rôle majeur dans cette problématique.

Le rapport indique que la colonisation est une cause profonde associée au risque de troubles neurocognitifs et d’autres problèmes de santé chez les populations autochtones. Citant différents rapports et spécialistes, les auteurs notent que le diabète d’apparition tardive, le faible niveau d’éducation en début de vie ou encore la dépression augmentent considérablement le risque de troubles neurocognitifs.

Or, les Autochtones se retrouvent davantage affectés par ces conditions, notamment à cause des perturbations coloniales et des traumatismes collectifs.

En raison de nombreux impacts du colonialisme, les populations autochtones du Canada sont exposées à un risque accru de troubles neurocognitifs associés aux déterminants sociaux de santé – les conditions dans lesquelles les gens naissent, grandissent, vivent, travaillent et vieillissent [...] – et sur lesquels les individus n’exercent que peu de contrôle.

Extrait du rapport Les multiples facettes des troubles neurocognitifs au Canada

Les facteurs non médicaux tels que le revenu, l'éducation, l'emploi, la sécurité alimentaire, le logement ou encore l'exclusion sociale ont aussi d’importantes répercussions sur la santé.

Idem pour les conditions sociales, qui ont aussi un impact direct sur les niveaux de stress. Or, des niveaux de stress élevés ont des répercussions directes sur le cerveau, indique le rapport. Cliff Whetung, membre de la Première Nation de Curve Lake en Ontario et candidat au doctorat à l’Université de New York, a découvert que la discrimination vécue au quotidien était associée à des conséquences cognitives plus négatives, mentionne le rapport.

Enfin, l’accès aux soins de santé préoccupe les auteurs qui s'inquiètent de l’existence du racisme envers les Autochtones dans les soins de santé et de ses conséquences.

Malgré des données indiquant une prévalence plus élevée de troubles neurocognitifs chez les Autochtones, le sous-diagnostic et les erreurs de diagnostic demeurent des préoccupations majeures compte tenu des obstacles structurels et des systèmes de santé qui manquent de ressources et sont mal équipés pour répondre aux populations autochtones, est-il indiqué dans le rapport.

Parmi les mesures recommandées dans le rapport, il y a la reconnaissance du droit des personnes autochtones à la santé, le soutien au leadership autochtone et l’intégration de la sécurité culturelle et de l’humilité dans les soins de santé et la recherche. Enfin, il faut soutenir davantage les personnes autochtones afin qu’elles puissent mener des recherches et créer des ressources sur les soins liés aux troubles cognitifs.

Selon la Société Alzheimer du Canada, ceci est l'une des premières études qui cherche à mieux comprendre les nombreuses facettes des troubles neurocognitifs et à trouver des solutions équitables aux difficultés qui y seront associées, afin que personne ne soit laissé de côté.