Un article écrit par Radio-Canada

Shoppers Drug Mart investira 77 M$ pour ouvrir de nouvelles cliniques de soins

Santé > Santé publique

Shoppers Drug Mart souhaite étendre son réseau de cliniques pharmaceutiques à travers la province. (Photo d'archives)Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
Shoppers Drug Mart souhaite étendre son réseau de cliniques pharmaceutiques à travers la province. (Photo d'archives)

Shoppers Drug Mart annonce qu’elle investira 77 millions de dollars pour renforcer son réseau de cliniques de soins pharmaceutiques en Alberta, afin de contribuer à réduire la pression exercée sur les médecins de famille et les services d'urgence de la province.

Le président de l'entreprise, aussi connue sous le nom de Pharmaprix, Jeff Leger, a déclaré jeudi que la chaîne pharmaceutique allait rénover ses magasins à travers la province et y ajouter neuf nouveaux magasins pour créer 103 cliniques de soins pharmaceutiques d'ici la fin de 2024.

Il a souligné que le but est d’offrir à la population un meilleur accès aux soins de santé primaires.

Le ministre du Travail, de l’Économie et du Commerce, Matt Jones, a précisé que le service s'étendrait à 44 nouveaux emplacements.

Le gouvernement albertain présente le développement des cliniques pharmaceutiques à travers la province comme une soupape de sécurité importante, compte tenu de la pression que subit le système de santé.

Il est urgent de trouver des solutions et de fournir des soins accessibles rapidement et efficacement, a fait savoir la première ministre, Danielle Smith, lors d'une conférence de presse tenue jeudi matin dans une pharmacie du nord-est d'Edmonton.

Il n’y a rien de nouveau

Barry Strader, porte-parole du Collège des pharmaciens de l'Alberta, l'organisme qui réglemente les pharmaciens de la province, affirme cependant que ces services n'ont rien de nouveau, puisqu’ils sont déjà disponibles dans la plupart des pharmacies.

Les pharmaciens de l'Alberta ont le champ d'exercice le plus large de tous les professionnels du pays. Ils peuvent prescrire des médicaments et administrer des injections depuis 2007.

Selon M. Strader, environ 60 % des pharmaciens sont autorisés à prescrire les médicaments à haut risque conservés derrière les comptoirs des pharmacies.

Il ajoute que les cliniques nouvellement créées pourraient faire mieux connaître les services offerts par les pharmaciens et accroître la demande, mais qu'elles ne permettraient pas d'augmenter le nombre de pharmaciens travaillant en Alberta.

Les pharmaciens peuvent également évaluer les patients pour des maladies et des affections mineures et prescrire des traitements le cas échéant.

Sur son site web, Shoppers Drug Mart indique d’ailleurs qu'il est possible de se rendre dans ses magasins pour faire évaluer, par exemple, une rhinite allergique, une infection de la vessie, une conjonctivite, pour obtenir des pilules contraceptives et des pilules du lendemain, ou encore pour diagnostiquer une teigne ou des brûlures d'estomac.

Le ministère de la Santé de l'Alberta rembourse les pharmaciens pour ces services.

Le premier magasin de la chaîne à s'afficher comme une clinique de soins pharmaceutiques en Alberta se trouvait à Lethbridge en 2022.

D'autres pharmacies de l'Alberta comportaient déjà des cliniques avant que l'entreprise ne teste le modèle.

La société mère de Shoppers Drug Mart, Loblaws, n'a pas répondu immédiatement à une question posée jeudi sur le nombre de ses pharmacies albertaines qui sont actuellement qualifiées de cliniques.

Un désastre en puissance

En octobre, l'Ordre des pharmaciens a publié une déclaration selon laquelle toute pharmacie se présentant comme une clinique doit préciser que le service est assuré par des pharmaciens et non par des médecins ou d'autres professionnels de la santé.

Les pharmaciens ne sont pas des médecins, rappelle Jon Meddings, professeur de médecine à l'Université de Calgary. Il s'agit là d'un désastre en puissance , affirme le gastro-entérologue et ancien doyen de l'École de médecine Cummings.

Les médecins reçoivent une formation sur la manière de recueillir les antécédents d'un patient, de confirmer un diagnostic et de s'assurer de ne pas rater les signes d'un problème de santé grave. Selon le Dr Meddings, les pharmaciens ne reçoivent pas cette formation et ne savent pas non plus comment procéder à un examen physique.

Il craint qu'une personne qui se rend dans une pharmacie parce qu'elle soupçonne une indigestion, par exemple, ne perde un temps précieux alors qu'elle aurait dû se rendre aux urgences parce qu'elle fait une crise cardiaque.

Un conflit d’intérêts, dénonce un médecin

Selon le Dr Meddings, les pharmaciens se trouvent également dans une situation de conflit d'intérêts inhérente au fait qu'ils peuvent à la fois prescrire et vendre des médicaments, ce que les médecins ne sont pas autorisés à faire.

Le Dr Paul Parks, président de l'Association médicale de l'Alberta, souligne pour sa part que l'accès croissant aux pharmaciens ne change rien au fait qu'il est extrêmement préoccupé au sujet de l'accès des patients à des soins complets tout au long de leur vie.

L'association vient de publier les résultats d'une enquête selon lesquels plus de 60 % des médecins de famille de l'Alberta envisagent de prendre une retraite anticipée ou de quitter l'Alberta. Plus de 90 % des médecins de famille et des médecins en milieu rural se disent préoccupés par la santé financière de leur cabinet.

Le gouvernement dit qu'il s'emploie à recruter et à former davantage de travailleurs de la santé et de conclure de nouveaux accords de financement avec les médecins de famille afin de stabiliser leurs pratiques.

Le Dr Parks estime que la province doit agir plus rapidement pour que les cliniques des médecins de famille restent ouvertes et viables.

Chris Gallaway, directeur général de Friends of Medicare, un organisme de défense des soins publics, craint que les pharmacies n’essayent de vendre d'autres produits aux personnes qui viennent se faire soigner : Les gens ne savent pas toujours ce qui est couvert et ce qui ne l'est pas, ni quels sont les frais qui devraient ou ne devraient pas exister.

Avec les informations de Janet French