Il n'y a pas de lien entre le niveau de financement de la police d'une ville et le taux de criminalité de celle-ci. C'est ce que constate une étude du laboratoire Upstream de l’hôpital Saint Michael's de Toronto qui s'est penchée sur le cas de 20 municipalités canadiennes.
Les universitaires ont comparé le niveau de financement par habitant de la police dans chaque municipalité entre 2010 et 2019 avec l'indice de gravité de la criminalité (IGC), qui permet de suivre chaque année le niveau de gravité des crimes au Canada.
En Ontario, tous types de résultats cohabitent. À titre d'exemple, le financement de la police était en hausse à Ottawa et dans la région de York au cours des dernières années, mais l'IGC avait augmenté.
À London, à Waterloo ou dans la région de Peel en revanche, ce financement des services de police a aussi augmenté, mais l'IGC a quant à lui diminué.
Pas de tendance claire
Dans d'autres villes du pays, le budget par habitant de la police a baissé.
C'est le cas de Montréal et de Calgary. Les deux villes ont toutefois connu des sorts différents. La criminalité a été à la baisse à Montréal, mais a augmenté à Calgary.
Aucun modèle ne s’est dégagé
, résume l’auteure principale, Mélanie Seabrook, assistante de recherche à l’Université de Toronto.
Pour chaque ville, nous avons fait cette analyse et trouvé quelques corrélations, parfois positives et d’autres négatives. De manière générale, la plupart n’étaient pas significatives et il n’y avait pas de tendance claire à travers le pays.
Une version précédente de ce texte citait Mélanie Seabrook qui affirmait : Pour chaque ville, nous avons fait cette analyse et trouvé qu’il n’y avait aucune corrélation entre les données de crime et de financement de la police.
Le texte a été modifié à sa demande pour préciser que la recherche a bien trouvé quelques corrélations
, mais qu'elles ne sont pas significatives
.
Des écarts budgétaires du simple au double
En 2019, Toronto se situait au-dessus de la moyenne des 20 villes pour son financement par habitant de sa police, mais en dessous dans le pourcentage de son budget qu’elle lui consacre.
Les deux extrêmes reviennent à la Ville de Québec avec 217,05 $ par habitant pour sa police, tandis que Vancouver a dépensé plus du double, avec 495,84 $ par habitant.
Pourtant, Québec présente un IGC d’environ 50. Là encore, c’est deux fois moins qu’à Vancouver, autour de 110.
Avec ces résultats très contrastés, les auteurs n’en tirent pas de conclusion sur le financement de la police, mais selon eux, ils posent des questions sur les raisons d'une telle différence de financement de la police à travers le pays
.
De manière générale, 16 des 20 municipalités ont augmenté leur financement par habitant de la police sur la période étudiée. Dans le même temps, l’IGC était en légère baisse dans 15 d’entre elles et en moyenne à l’échelle des 20 villes, suivant une tendance de long terme initiée dans les années 1990 au Canada.
Des défis pour accéder aux informations
Cette étude a été lancée alors que les débats sur le définancement de la police s’intensifiaient pour plutôt réclamer le financement de services de proximité. Nous avons remarqué qu’il y avait très peu de recherches sur le financement de la police au Canada
, note Mélanie Seabrook.
L’universitaire relève que son équipe a eu des difficultés pour accéder aux budgets municipaux, même quand ils ont été spécifiquement demandés auprès des administrations.
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En plus d’appeler ces dernières à plus de transparence
, Mélanie Seabrook retient que la sécurité des communautés est très dépendante du contexte local
.
Ainsi, la participation du public dans l'élaboration des budgets permet aux décideurs de prendre en compte le contexte local et le besoin des administrés.
D'autres études à mener
Cette recherche appelle à d’autres études plus fines de la criminalité en explorant d’autres facteurs, dont la démographie, la situation socioéconomique ou le type de services publics présents.
Autre possibilité : se pencher sur une lecture plus fine des différentes catégories de crimes, comme les atteintes à la propriété, comparés aux crimes violents.
Le laboratoire Upstream de l’hôpital Saint Michael's travaille sur un second volet de l’étude qui compare dans des municipalités ontariennes le financement de la police par rapport aux services sociaux.