L’Abitibi-Témiscamingue jongle, comme ailleurs au Québec, avec une pénurie de familles d’accueil. Il ne resterait actuellement que 53 places de libres auprès de ces familles chargées d’offrir de la bienveillance et de la stabilité aux enfants, un seuil jugé critique.
C’est ce que révèlent des données de décembre dernier, communiquées par des représentants de la Direction du programme jeunesse du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de l’Abitibi-Témiscamingue.
« Étant donné l’étendue de notre territoire, plus on en aura, mieux ce sera. Avec 53 places, c’est un seuil critique. Il a déjà été plus critique, mais nous ne sommes pas encore à l’état d’être confortables », explique Tommy Guillemette, directeur adjoint à la Direction du programme jeunesse.
Cette réalité entraîne parfois des situations affligeantes. C'est le cas lorsque des enfants et adolescents sont contraints d'être hébergés à des centaines de kilomètres de leur famille biologique, faute de places offertes près de leur ville ou de leur village.
D’autant que la juridiction du programme jeunesse s’étend jusqu’à la Baie-James et englobe les municipalités de Lebel-sur-Quévillon, de Val-Paradis et de Beaucanton, par exemple.
Aujourd’hui comme pour demain, je n’ai pas de ressources à Matagami. Si je dois placer un enfant, la ville la plus proche, c’est Amos, à deux heures de route.
« De déraciner un enfant, de le sortir de sa maison et de son milieu familial, même s’il ne va pas bien, c’est ce qu’il connaît depuis toujours. Ce sont ses parents et ils le seront toujours. Quand on doit le changer de ville, il arrive dans un milieu où il ne connaît rien. C’est une adaptation multipliée par mille », enchaîne la cheffe de service à l'hébergement jeunesse au CISSS de l'Abitibi-Témiscamingue, France Caron.
L’Abitibi-Témiscamingue recense actuellement 314 familles d’accueil. Parmi celles-ci, 572 places sont offertes pour les enfants et les adolescents de la région, mais la plupart d'entre elles sont actuellement occupées.
Le placement en famille d’accueil est décrit comme une solution de dernier recours par la Direction du programme jeunesse. Bien que les intervenants la considèrent comme un moindre mal, ils tentent habituellement de maintenir les liens et les contacts entre l’enfant placé et sa famille biologique.
Répit et longue durée
M. Guillemette et Mme Caron invitent les personnes intéressées à œuvrer comme famille d’accueil à se manifester. Les besoins actuels seraient particulièrement criants pour les enfants âgés de moins de 5 ans et pour les adolescents de 12 à 18 ans.
« On aimerait avoir des bassins de familles suffisamment grands pour offrir à un enfant un milieu réellement adapté à ses besoins », signale France Caron.
Celle-ci décrit la famille d’accueil adaptée comme un milieu accueillant, rassurant et sécurisant, capable d’offrir une routine et de l’encadrement.
« Toutes les formes de famille sont acceptées, précise-t-elle. Ça peut être des couples homosexuels ou des personnes seules. Il faut avant tout que le profil des candidats réponde à nos critères. »
Pallier la pénurie permettrait également aux intervenants jeunesse d’agir en amont et d’éviter ainsi de retirer certains enfants de leur famille biologique, plaide Tommy Guillemette.
Pour les adolescents, il nous reste seulement quelques places. Si on doit retirer un adolescent de son milieu familial, ça veut probablement dire que nous devrons le retirer de ses milieux scolaire, social et sportif.
C’est d’ailleurs pour cette raison que la Direction du programme jeunesse aimerait recruter des familles pour offrir des services de répit à des parents en difficulté.
« Si nous pouvions avoir les places suffisantes pour instaurer ce service de répit, nous pourrions parfois prévenir certains placements. Parfois, certaines familles sont en grande difficulté de façon situationnelle. De placer leurs enfants quelques jours pourrait atténuer les difficultés et éviter les placements à plus longue échéance », indique Tommy Guillemette.
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Pandémie et inflation
Tommy Guillemette et France Caron émettent des hypothèses pour expliquer les difficultés de recrutement de familles d’accueil dans la région. La pandémie et l’inflation apparaissent en tête de liste de leur réflexion.
« La santé mentale de la population ne va pas bien et l’inflation crée des tensions dans les familles », mentionne Mme Caron.
La Direction de la protection jeunesse invite les personnes intéressées à contacter leur centre jeunesse local pour œuvrer comme famille d'accueil.