Pour ne pas avoir à choisir entre poursuivre leurs études et payer un logement hors de prix, certains jeunes se tournent vers une solution de dernier recours : les Auberges du cœur, dont les services sont conçus pour des jeunes à risque d’itinérance.
Mohamed étudie à l’Université de Montréal en mathématiques et en statistiques. Et s’il est sur la bonne voie pour obtenir son baccalauréat, c’est grâce à sa détermination, mais aussi grâce à l’aide du Foyer des jeunes travailleurs et travailleuses de Montréal, qui lui offre un toit depuis une dizaine de mois.
Auparavant, il habitait avec sa famille dans l’est de l’île de Montréal, et devait faire près de quatre heures de transport en commun par jour pour aller à ses cours à l’autre bout de la ville. J’arrivais en retard à des cours. C’était vraiment démotivant
, explique-t-il.
Mohamed avait bien pensé à se chercher un appartement en colocation ou bien une place en résidence étudiante. Mais sa famille ayant un revenu modeste, et puisqu’il étudiait à temps plein, il n'aurait pas pu travailler suffisamment pour couvrir ses besoins.
Je n’avais juste pas les moyens. Un appartement à Montréal, c’est pas possible de payer ça. Et les résidences sont chères aussi, et il y a des listes d’attente.
Il a appris par un ami l’existence du Foyer des jeunes travailleurs, un des 32 organismes membres du réseau des Auberges du cœur du Québec, qui lui a offert une chambre à loyer modique. Je suis vraiment reconnaissant d’être ici. Ça me permet d’avancer, de me concentrer sur mes études
, confie-t-il.
De la stabilité pour avancer : l'histoire de Saïna
Saïna Chelsea Edmond, elle, vient de commencer un diplôme d’études professionnelles en comptabilité. Elle rêve de lancer sa propre entreprise de cosmétiques.
La jeune femme de 20 ans a un parcours scolaire compliqué et interrompu, et une histoire parsemée d’embûches.
Si elle a pu trouver la stabilité suffisante pour réussir son retour aux études, c’est parce que Ressource Jeunesse de Saint-Laurent l’a accueillie dans son immeuble d’appartements supervisés en septembre.
Les intervenants me soutiennent au quotidien. Ils m’ont fait voir que l’école pouvait être une porte importante pour atteindre ses rêves
, raconte-t-elle.
Aujourd’hui, elle planifie avec soin la décoration de son premier appart, dont elle est très fière.
En plus d’un hébergement qui lui coûte 25 % de son revenu, elle reçoit de l’aide alimentaire au besoin et aussi de l’aide psychosociale. On a un plan d’intervention, on est encadré. Ça m’arrive de vouloir lâcher [mes études]. Mais avec toute cette aide-là, ça me donne la force de continuer.
Je suis moins stressée. J’arrive à étudier, à aller à l’école sans tomber dans la lune parce que j’ai une facture dans la tête.
La crise du logement a créé une nouvelle clientèle
Le Foyer des jeunes travailleurs et travailleuses de Montréal et Ressource Jeunesse Saint-Laurent sont deux organismes membres du regroupement des Auberges du cœur qui ont pour mission d’offrir de l’hébergement à des jeunes en difficulté et à risque d’itinérance.
Toutefois, des étudiants comme Mohamed et Saïna, elles en accueillent de plus en plus. Et surtout, elles reçoivent un nombre croissant de demandes de ce genre, qui ne peuvent pas toutes être acceptées.
La source du phénomène? La crise du logement, le manque de logements étudiants abordables partout au Québec et la hausse du coût de la vie, qui fragilisent des jeunes aux parcours déjà difficiles, affirme Sébastien Lanouette, vice-président de l’organisation.
Nous, on n’est pas une maison pour étudiants à la base. Mais là, on voit arriver de plus en plus de jeunes étudiants qui développent des problèmes associés à la pauvreté et qui viennent chez nous. Tout ça parce qu’ils n’ont pas accès à du logement.
On met en danger leur capacité à poursuivre leurs études et à poursuivre un projet de vie qui va les rendre plus autonomes
, déplore-t-il.
La directrice générale du Foyer des jeunes travailleurs, Aurélie Sasias, confie que l’an dernier, le quart de leurs résidents étaient des étudiants postsecondaires. Plusieurs étaient des étudiants étrangers ou des jeunes issus de l’immigration à court de ressources, précise-t-elle.
Certains jeunes n’ont pas la chance d’avoir des parents qui peuvent leur payer leurs études ou leur fournir un logement. Ils se retrouvent chez nous. Je suis contente de pouvoir leur offrir [de l’aide], mais ça me désespère
, lance Mme Sasias, découragée.
On ne devrait pas avoir à pallier les manquements des aides [gouvernementales] aux étudiants. Mais on a une vocation sociale ici, donc c’est normal qu’on les soutienne.
Pour elle, le manque d’accessibilité et d’abordabilité des résidences étudiantes est un facteur important dans la problématique. Elle trouve la situation révoltante
, désolante
.