Pour se loger, des étudiants en viennent à se tourner vers des organismes pour jeunes en grande difficulté ou à risque d’itinérance.
Les présidentes des principales fédérations étudiantes collégiales et universitaires sont toutes deux attristées d’apprendre que des étudiants ont de la difficulté à se trouver un logement adéquat et abordable, au point d’avoir recours à des organismes comme les Auberges du cœur.
Dans un reportage récent, Radio-Canada donnait la parole à des représentants d'organismes dédiés à l'hébergement de jeunes en grande difficulté ou à risque d'itinérance, qui confiaient que de plus en plus d'étudiants cognaient à leur porte, incapables de se trouver un logement tout en poursuivant leur projet d'études.
Se loger, c’est un besoin de base et on n’est pas capable de le combler, ici, au Québec
, déplore Catherine Bibeau-Lorrain, présidente de l’Union étudiante du Québec.
Ça m'attriste de voir que des étudiants ne trouvent pas de logement à ce point-là. Et ça me frustre de voir que le gouvernement ne fait pas de cet enjeu-là une priorité
, poursuit-elle
Ça démontre toute l’ampleur de la crise du logement pour la population étudiante. Ce n’est pas une solution, ça enlève des places à des personnes en situation d’itinérance dans ces organismes.
Faits saillants de la plus récente enquête interne de l’UEQ
- Proportion du budget étudiant consacré au logement : 30 % (maximum recommandé par la SCHL)
- Proportion des étudiants qui contractent un prêt privé : 41 %
Source : sondage interne de l’Union étudiante du Québec, automne 2023, 12 000 répondants
Si, en moyenne, les personnes étudiantes consacrent 30 % de leur budget à leur logement, ça veut dire que plusieurs d’entre elles y consacrent beaucoup plus
, dénonce Catherine Bibeau-Lorrain, qui déplore aussi un problème d’inadéquation entre les besoins et les critères de l’aide financière aux études.
Il faut que le programme d’aide financière aux études prenne en compte le coût réel des logements, qu'il y ait une aide supplémentaire pour les étudiants
, demande-t-elle.
À la Fédération des cégeps, on vient de lancer une offensive pour le logement étudiant. Son PDG, Bernard Tremblay, réclame 150 millions de dollars dans le prochain budget provincial : 100 millions pour la construction et la rénovation de résidences étudiantes; 50 millions pour l’appui d’initiatives originales et à court terme, comme l’embauche d’une ressource par cégep pour aider les étudiants, notamment étrangers, à se trouver un logement.
Le jour où les services d'urgence deviennent une option pour des gens qui, normalement, devraient se trouver un logement sans difficulté, ça veut dire que la crise est majeure, que les jeunes sont dans leurs derniers retranchements
, estime Bernard Tremblay.
Tant les fédérations étudiantes que la Fédération des cégeps demandent que le gouvernement et les municipalités misent sur le développement de logements étudiants abordables sur le modèle sans but lucratif mis de l’avant par l’UTILE, l’Unité de travail pour l’implantation du logement.
L’UTILE rappelle l’existence de l’itinérance étudiante
Le PDG de l’organisme UTILE, Laurent Levesque, se dit peu surpris d’apprendre que des jeunes étudiants doivent se tourner vers les Auberges du cœur, car l’itinérance étudiante est un phénomène réel, quoique peu étudié.
L’itinérance étudiante est assez peu visible. On parle de couch surfing, de situations transitoires de logement, des jeunes qui dorment dans leur voiture. C’est plus prévalent qu’on pense
, partage-t-il.
Dans nos plus récentes données (2021), on conclut qu’il existe plus de 4 % d’itinérance universitaire. C’est quand même significatif
, une situation que la crise du logement ne peut qu'accentuer.
Laurent Levesque estime que trop peu de logements étudiants ont été construits dans les dernières décennies. Aujourd’hui, nos jeunes en paient le prix. Je pense qu’il faut qu’on travaille sur des solutions
, dit-il.
En quelques années, on est passé d’un univers où Montréal se classait dans les palmarès mondiaux pour l’abordabilité à une situation où des refuges pour prévenir l’itinérance doivent être mobilisés pour rendre possible le projet d’études de certains étudiants. On veut éviter que ça soit une nouvelle normalité.
Réponse de la ministre de l’Enseignement supérieur
La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, se dit sensible à la situation et consciente que le contexte économique actuel peut être difficile pour plusieurs étudiants
.
Elle ajoute que des investissements de plus de 25 millions de dollars l’an dernier ont permis de faire avancer des projets de résidences étudiantes et que le projet de loi 31 permettra des allègements fiscaux qui faciliteront la réalisation d’autres projets dans les cégeps.
Pascale Déry rappelle que le Programme de bourses Perspective Québec soutient les étudiants et que des bonifications au programme d’aide financière aux études ont déjà été faites.
Mais pour tous les intervenants interrogés dans le cadre de ce reportage, ce n’est pas suffisant. Et ils espèrent que le prochain budget provincial reflétera l’ampleur et l’urgence des besoins en logement étudiant.