Depuis le début, le Canadien avait un prix en tête en retour des services de Sean Monahan. Le directeur général Kent Hughes espérait obtenir un choix de première ronde, ou encore un jeune joueur déjà repêché qui est de calibre première ronde.
Quand il est devenu clair que piger dans la pépinière d’espoirs d’autres organisations ne se concrétiserait pas, Hughes a jugé qu’il s’accommoderait très bien d’un choix de premier tour.
Dès que les Jets de Winnipeg le lui ont offert, il a sauté sur l’occasion.
Autant Hughes que son homologue des Jets Kevin Cheveldayoff ont reconnu que la transaction qui avait fait passer le centre Elias Lindholm des Flames de Calgary aux Canucks de Vancouver, moins de 48 heures plus tôt, avait eu un impact direct sur la progression des négociations.
Le niveau d’urgence, ou le timing des choses, s’est accéléré jusqu’à un certain point en raison de l’activité qu’on a vue au début de la pause
, a dit Cheveldayoff vendredi après-midi
Les discussions sont passées à la vitesse supérieure dès jeudi matin et en fin de soirée, le marché était pratiquement conclu.Soulevé par l’empressement des Jets, le Canadien est passé à l’action parce que quelqu’un lui offrait ce qu’il cherchait, et parce qu’attendre plus longtemps ne lui aurait probablement pas permis d’aller chercher davantage.
Les équipes qui convoitaient Monahan sont généralement assurées d’une place en séries, leur choix de première ronde et va se retrouver en fond de grille. Certes, Hughes n’a obtenu en prime qu’un choix de 3e ronde en 2027 conditionnel à ce que les Jets gagnent la Coupe Stanley ce printemps. Mais allait-il attendre plus longtemps simplement dans l’espoir d’améliorer un tantinet ce deuxième actif?
Le jeu n’en valait pas la chandelle.
Avec la quantité de journées de traitements qu’il a eue récemment, l’état de santé de Monahan était susceptible de devenir un problème, même si les Jets ont révisé son dossier médical vendredi matin et n’ont pas été effrayés.
Mais surtout, l’échange de Lindholm aussi tôt dans le calendrier a changé la conjoncture. Il fallait en profiter pendant que le marché s’activait.
Il y a aussi un risque que le marché change : qui est vendeur, qui est acheteur, et combien d'autres joueurs se retrouvent sur le marché, a noté Hughes. Je ne pense pas que Mattias Ekholm ou Dmitri Orlov, par exemple, étaient nécessairement sur le marché l'année dernière au début février ou à la fin janvier.
On a jugé que c'était la bonne transaction pour nous et qu'il n'y avait pas d'avantages significatifs à attendre.
Qui sait si, dans un mois, d’autres centres qui ne semblent pas disponibles en ce moment le devenaient tout à coup, faisant de Monahan une option moins attrayante. Hughes a bougé au moment où, aux yeux de l’équipe la plus agressive et la plus généreuse, Monahan était au sommet de la liste.
Mieux valait ne pas retenir de salaire
C’était devenu une évidence pour le Canadien que chercher à mettre sous contrat Monahan était irréaliste. Le centre de 29 ans pourra convoiter un contrat d’au moins quatre ans, peut-être supérieur à 5 millions $ par saison, et le CH ne navigue tout simplement dans ces eaux-là pour le moment.
On sait qu’on est une meilleure équipe avec Sean, mais on n’a pas assez de clarté par rapport à notre avenir pour lui offrir un contrat raisonnable, a admis Hughes. On s’est dit que dans la situation où on était, on était mieux de l'échanger et de lui donner la chance de jouer pour une très bonne équipe où il sera bien situé dans leur alignement.
L’un des éléments qui rendaient Monahan intéressant par rapport aux autres joueurs de centre disponibles, c’est le fait qu’il gagne en ce moment moins de 2 millions $ par année. Davantage d’équipes allaient être en mesure de se le payer, contrairement à Lindholm, ou même à Adam Henrique, des Ducks d’Anaheim, qui en est à la dernière année d’un contrat lui rapportant 5,825 millions $ par saison.
Ce n’était pas acquis d’avance que le Canadien parviendrait à ses fins et qu’il irait chercher le choix de première ronde convoité. Mais s’il décidait en plus de défrayer la moitié du salaire de Monahan, le nombre d’acheteurs potentiels améliorerait ses chances d’en obtenir un. C’est du moins la théorie qui circulait.
Or, non seulement Hughes a-t-il déniché son choix de premier tour, mais il n’a même pas eu à retenir du salaire. C’est une facette à ne pas sous-estimer de cette transaction.
Chaque équipe a le droit, entre le 1er juillet et le 30 juin de l’année suivante, d’utiliser jusqu’à trois rétentions de salaire sous sa masse salariale. Le Canadien a retenu une partie du salaire de Joel Edmundson en l’envoyant à Washington et a fait la même chose dans l’échange de Jeff Petry à Detroit (une case qui sera encore occupée la saison prochaine), si bien qu’il ne peut plus retenir de salaire que sur un seul contrat.
Si je pouvais faire un échange sans retenir du salaire, c'est clair que ça aurait une valeur pour nous de conserver cette disponibilité-là, au cas où on échange un autre joueur avant la date limite des échanges ou qu'on agisse comme tierce partie dans une autre transaction, a précisé Hughes. J'avais l'impression qu'on retirerait plus de valeur de cette rétention de salaire en l'utilisant autrement qu'avec Sean.
On peut tout de suite penser ici à Jake Allen, dont le profil deviendrait plus attrayant pour d’autres formations si la moitié de son salaire de 3,85 millions $ en fin de saison et l’an prochain était assumé par le Canadien.
Une attitude de grand frère
Les Jets épiaient Monahan depuis un bon moment déjà. Leur DG adjoint et vice-président aux opérations hockey, Larry Simmons, avait assisté à plusieurs matchs du Canadien. Ils faisaient partie d’une demi-douzaine d’équipes qui cherchent de l’aide au centre et, après avoir fait chou blanc dans le dossier Lindholm, le vétéran du Canadien leur est apparu comme la meilleure option disponible.
Le style de joueur qu’offre Monahan, son salaire raisonnable qui laisse une marge de manœuvre aux Jets pour combler d’autres besoins d’ici la date limite des transactions, de même que son efficacité au cercle de mise en jeu qui comblera une lacune à Winnipeg, sont quelques-uns des éléments qui ont convaincu Cheveldayoff de donner un choix de premier tour pour s’améliorer immédiatement.
Il faut soupeser les alternatives, soupeser les options et comment le joueur peut s'insérer dans l'équipe, a indiqué Cheveldayoff. Et quand il s'insère aussi bien, quand tu crois qu'il s'agit de la meilleure pour toi, il faut être prêt à faire des choix difficiles.
Cheveldayoff a sous-entendu que s’il n’avait pas été en mesure d’attirer Monahan à Winnipeg, il aurait eu plus de difficulté à renoncer à un choix de première ronde pour un autre centre disponible.
À Winnipeg, on demandera d’abord à Monahan d’agir au centre du deuxième trio, où il sera flanqué de Nikolaj Ehlers et du jeune Cole Perfetti. Aux yeux des Jets, l’attitude de grand frère qu’a démontré Monahan avec le Canadien l’a rendu encore plus attrayant, entre autres pour veiller sur une vedette montante comme Perfetti.
L'une des choses qui nous a impressionné (...) était sa façon d'interagir avec les jeunes joueurs, a signalé Cheveldayoff. On le regardait à Montréal, on le voyait revenir au banc et parler à Cole Caufield ou à Slafkovsky. On pouvait voir ce rôle de mentor qu'il assumait, ce leadership tranquille sur le banc. C'est exactement ce qu'on recherche d'un professionnel.
Dans cette optique, greffer Monahan à sa nouvelle formation cinq semaines avant la date limite lui donnera plus de temps pour se familiariser avec les Jets et trouver son aisance au milieu d’un nouveau groupe.
Quant au Canadien, nul doute qu'il ressentira un grand trou d'ici la fin de la saison avec le départ de Monahan. Un choix au repêchage ne fait pas gagner de matchs. Mais au final, Kent Hughes aura soutiré deux choix de premier tour pour le même joueur – au moment d'être allé le chercher et au moment de s'en départir – et dans l'intervalle, le Canadien aura bénéficié des services d'un vétéran qui a aidé au développement des jeunes joueurs.
Le plan d'origine s'est déroulé exactement tel qu'espéré.