Un article écrit par Rania Massoud

Plus de la moitié de l’enveloppe de 100 millions $ de Google ira à la presse écrite

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Le tiers de l'enveloppe sera distribué aux diffuseurs privés et publics, tandis que la part de CBC/Radio-Canada sera plafonnée à 7 %.Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
Le tiers de l'enveloppe sera distribué aux diffuseurs privés et publics, tandis que la part de CBC/Radio-Canada sera plafonnée à 7 %.

Le tiers de l'enveloppe sera distribué aux diffuseurs privés et publics, tandis que la part de CBC/Radio-Canada sera plafonnée à 7 %.

Plus de la moitié (63 %) des 100 millions de dollars que Google doit verser chaque année aux médias d'information canadiens seront consacrés à la presse écrite et numérique, alors que 30 % du montant sera accordé aux diffuseurs privés. La part de CBC/Radio-Canada sera quant à elle plafonnée à 7 %. C'est ce qu'ont affirmé vendredi des responsables du ministère du Patrimoine canadien.

La rémunération annuelle versée aux médias, conformément à la Loi sur les nouvelles en ligne, sera distribuée aux organismes de presse en fonction du nombre de journalistes à temps plein qu'ils emploient.

L’objectif clé du projet de loi était d’assurer qu’on renforce la position des organismes de presse qui comptent sur les plateformes numériques pour la distribution de leurs contenus, a expliqué un responsable du ministère du Patrimoine canadien, lors d’une séance d’information, vendredi.

Selon lui, la part de 7 % de l’enveloppe de 100 millions de dollars consacrée à CBC/Radio-Canada est appropriée étant donné que le diffuseur public obtient des subventions parlementaires.

Plus tard dans la journée, la ministre Pascale St-Onge a affirmé que ça ne faisait pas de sens d'exclure CBC/Radio-Canada [...] car ça aurait dévalorisé le rôle essentiel du diffuseur public.

C’est un pas de plus pour vraiment avoir une meilleure équité entre les géants du web et les salles de nouvelles qui connaissent une crise. [...] Il reste du travail à faire […] mais ça va tracer la voie pour d’autres pays à travers la planète.

Pascale St-Onge, ministre du Patrimoine canadien

Selon elle, la somme allouée à CBC/Radio-Canada permettra au diffuseur public de poursuivre ses couvertures dans les régions éloignées et de desservir les communautés autochtones, notamment.

En vertu de la Loi sur les nouvelles en ligne (issue du projet C-18), qui entrera en vigueur le 19 décembre, les plateformes numériques qui comptent plus de 20 millions d'utilisateurs mensuels uniques et des revenus annuels d'un milliard de dollars ou plus sont tenues de verser une compensation financière aux médias d’information.

Seules Google et Meta – l’entreprise qui possède Facebook et Instagram − répondent à ces critères au Canada. Ces plateformes disposent de 180 jours civils pour aviser le CRTC qu’elles sont assujetties à la Loi, selon le ministère du Patrimoine canadien.

C’est au CRTC de regarder ça maintenant, a encore dit la ministre St-Onge. Nous, on a fait notre travail. On a passé la loi, fixé un cadre clair avec la réglementation et les directives finales. C’est au CRTC de faire son travail.

L’été dernier, Meta a mis un terme à ses discussions avec le gouvernement fédéral, puis a cessé en août la distribution de nouvelles canadiennes sur ses plateformes Facebook et Instagram. Les négociations semblent toujours au point mort.

Ottawa garde la porte ouverte à Meta

Selon un responsable de Patrimoine canadien, la position de Meta est claire.

L’entreprise ne souhaite pas prendre part à un cadre législatif qui exigera une compensation financière de la part de l’entreprise aux médias, que ce soit au Canada ou ailleurs dans le monde.

Le responsable a toutefois affirmé que le gouvernement est ouvert à la poursuite des négociations avec Meta, qui doit se conformer à la loi si elle veut partager des contenus de nouvelles au Canada.

Nous continuons de croire que les préoccupations de Meta peuvent être résolues, a-t-il ajouté.

Dans une déclaration envoyée à Radio-Canada par courriel, un porte-parole de Meta persiste et signe : Les entreprises de presse choisissent d’utiliser nos services gratuits parce que ceux-ci aident leurs résultats financiers, et la publication aujourd'hui de la réglementation finale ne change pas notre décision d’affaires de mettre fin à la disponibilité des nouvelles sur Facebook et Instagram au Canada.

L'accord conclu fin novembre entre le gouvernement fédéral et Google exige de la plateforme une enveloppe de compensation de 100 millions de dollars par an, indexée sur l'inflation. L’indemnisation sera versée à un collectif de médias qui doit représenter l’ensemble des organismes de presse au Canada, selon le ministère du Patrimoine canadien.

Vendredi, lors de la présentation des détails entourant la nouvelle loi, des représentants du ministère ont affirmé qu’il reviendra aux médias de s’organiser pour former ce collectif.

Selon Patrimoine canadien, les médias devraient commencer à recevoir des compensations financières de la part de Google d'ici six mois.

Google se dit « heureux »

Selon la Loi sur les nouvelles en ligne, les ententes doivent bénéficier à un éventail d'entreprises de nouvelles, y compris les médias d’information indépendants et les médias d’information autochtones et des communautés de langue officielle minoritaire.

Des observateurs ont cependant souligné que les médias qui emploient le plus grand nombre de journalistes risquent de bénéficier davantage du fonds que les médias indépendants.

Le responsable de Patrimoine canadien a toutefois assuré vendredi que même les médias qui n’emploient que deux journalistes [...] vont pouvoir bénéficier d’une compensation financière considérable.

Dans un courriel, un porte-parole de Google s’est dit heureux que le gouvernement ait reconnu nos préoccupations et ait créé un cadre pour une voie viable vers l'exemption dans le règlement final, même si le géant du web est toujours d’avis que le projet de loi C-18 est fondamentalement erroné.

Pour Geneviève Rossier, directrice générale des Coops de l'information, le montant de 63 millions réservés à la presse écrite est une bonne nouvelle. Il y a une reconnaissance que le contenu produit par des journalistes professionnels au Canada a une valeur [...] et ça, c’est extrêmement important, affirme-t-elle dans une entrevue avec Radio-Canada.

Selon elle, la compensation financière pourrait servir à mener des embauches dans le secteur. On n’est pas encore sorti de la crise, mais disons que c’est une embellie.

Des réactions mitigées

À Ottawa, le porte-parole bloquiste en matière de culture et communications, Martin Champoux, n’a pas caché sa vive déception de voir que 7 % des 100 millions de dollars seront alloués à CBC/Radio-Canada.

Selon lui, cette part est injuste et inappropriée, l’enveloppe de 100 millions de dollars étant déjà insuffisante aux yeux du Bloc québécois.

Sept millions de dollars est une goutte d’eau dans l’océan du financement de CBC/Radio-Canada, mais ces sept millions de dollars auraient pu faire une énorme différence pour de petits médias régionaux [...] qui sont le plus en péril, a ajouté M. Champoux.

Du côté du Nouveau Parti démocratique (NPD), qui appuie la Loi sur les nouvelles en ligne, les services de CBC/Radio-Canada sont vitaux et des ressources doivent être en place pour permettre au radiodiffuseur public de faire son travail à travers le Canada.

Le leader parlementaire du NPD, Peter Julian, a cependant accusé le gouvernement libéral de verser des subventions indirectes d’un milliard de dollars à Meta et Google à travers des placements publicitaires sur ces plateformes. C’est l’argent des contribuables, a dit M. Julian. Je trouve ça important qu’on coupe dans ces subventions-là. Ça donnerait plus d’aide aux médias.

Dans un communiqué de presse, CBC/Radio-Canada dit accueillir favorablement la version définitive du règlement pour assurer une indemnisation aux médias d’information canadiens.

Ces règlements assureront aux médias d’information canadiens d’être indemnisés pour le journalisme qu’ils produisent, ajoute le radiodiffuseur. Il est également important que la réglementation reconnaisse la valeur de l’information produite par CBC/Radio-Canada en veillant à ce qu’elle soit aussi indemnisée.

Nous savons qu'une loi ou qu’une réglementation ne suffira pas à résoudre tous les enjeux auxquels fait face le secteur de l'information au Canada, mais c’est un pas dans la bonne direction, indique enfin la direction de CBC/Radio-Canada.

Avec des informations de Louis Blouin