Un article écrit par Stéphanie Dupuis

L’année 2023, minée par les échecs en techno

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L'année 2023 a été parsemée de moins bons coups dans le domaine des technologies. Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
L'année 2023 a été parsemée de moins bons coups dans le domaine des technologies.

Des licenciements massifs à l’explosion de l’intelligence artificielle générative, la planète techno a subi de nombreuses turbulences en 2023. Retour sur les moins bons coups dans le secteur des technologies.

Licenciements massifs

Difficile de parler des moments marquants de l’année en technologie sans mentionner les dizaines de milliers de licenciements qui ont eu cours dans les entreprises technologiques ces 12 derniers mois.

L’année a commencé avec Google et Microsoft qui ont fait des dizaines de milliers de licenciements. Ça a été le gros flop.

Carl-Edwin Michel, chroniqueur techno

L’expert, aussi fondateur de l’entreprise de sport électronique Northern Arena, montre du doigt l’absence de cette crise de l’emploi qui touche aussi l’industrie du jeu vidéo (Epic Games, Ubisoft, Xbox, etc.) dans les discours de la cérémonie des Game Awards, le 7 décembre dernier.

On célèbre les jeux vidéo, mais c’est triste, ce qui se passe. On dirait que les Game Awards ont essayé de le camoufler, en nous mettant de la fumée dans les yeux, remarque-t-il.

Si l’industrie vidéoludique a connu un boom pendant la pandémie, notamment en raison du nombre de joueurs et joueuses en augmentation, le retour à la normale a été brutal.

Quand le jeu sort, on se dit qu’on n’a plus besoin d’autant de travailleurs. On repart en mode [tempête d’idées], et on licencie des gens, analyse-t-il. Ça a été un concours de circonstances qui a donné lieu à un cocktail explosif pour le secteur de la technologie en général.

Les hauts et les bas de Threads, et la chute de X

Le lancement en juillet de Threads, la réplique de Meta à X (anciennement Twitter), a attiré les foules, devenant l’application ayant connu la croissance la plus rapide de l’histoire, avec plus de 100 millions d’utilisateurs et utilisatrices en moins d’une semaine.

Si l'application a reçu des éloges dans les premières semaines, elle a perdu de la vitesse presque aussi rapidement qu’elle en a gagné. Ce mouvement pourrait s’expliquer par un lancement qui semble avoir été précipité : C’est sorti rapidement, au moment où il y avait scandale avec X. Meta a surfé sur la vague, mais elle n’était pas prête.

X, alors appelé Twitter, avait annoncé une limite temporaire du nombre de messages consultables par jour. Cela s’ajoutait, entre autres choses, à la refonte du service payant de l’application, qui permet maintenant d’obtenir le crochet bleu d’authenticité, et le licenciement de la quasi-totalité des équipes de modération de contenus.

Tu te sens bien, sur Threads, moins agressé que sur X, où Elon Musk fait des déclarations incendiaires et envoie promener tout le monde.

Carl-Edwin Michel

Le spécialiste techno admet même avoir été de ces internautes qui ont annoncé quitter X pour joindre Threads… en vain. Finalement, je suis retourné sur X. La plateforme est mature, et la masse critique y est, dit-il.

Pour l’expert, Threads n’est pas vouée à disparaître, mais l’application gagnerait à se séparer davantage d’Instagram et à ajouter des fonctionnalités pour pouvoir réellement rivaliser avec son concurrent. La plateforme vit par ailleurs un nouvel élan en raison de son déploiement, à la mi-décembre, en Europe.

X a toutefois du pain sur planche, au moment où les grandes entreprises et les publicitaires quittent un à un le site en raison de propos haineux publiés par son propriétaire, Elon Musk.

Fin du partage de mot de passe de Netflix

En février, l’annonce de la fin du partage de mot de passe de Netflix a créé une onde de choc dans les foyers au pays, forçant beaucoup d’adeptes de séries télé et de films à s’ouvrir un compte sur la plateforme.

Moyennant des frais de 8 $, on pouvait également ajouter une personne à son abonnement familial.

Netflix n’en est toutefois pas resté là : le service a aussi supprimé l’abonnement de base pour les nouveaux utilisateurs et utilisatrices.

C’est du pur capitalisme. [...] En cumulant plusieurs abonnements à ces services de diffusion en continu, c’est à se demander quel est l’avantage par rapport à la télé traditionnelle.

Carl-Edwin Michel

L’un des concurrents de Netflix, Disney+, a lui aussi commencé à sévir contre le partage de mot de passe en novembre, au grand dam des consommateurs et consommatrices, pour qui le portefeuille se vide de plus en plus en raison du contexte économique difficile. Des gens vont même jusqu’à se tourner vers des options illégales afin de continuer à se divertir sans en payer les gros frais.

Fin des bloqueurs de publicités sur YouTube

L’expérience des utilisateurs et utilisatrices de YouTube est devenue beaucoup moins agréable en 2023 en raison du blocage des bloqueurs de publicités sur la plateforme. Ces outils sont utilisés par beaucoup d’internautes afin d’éviter les annonces en regardant des vidéos.

Les gens sont déjà exposés à des publicités par le biais de youtubeurs, qui font des placements de produit, et le disent à même leur contenu que leur vidéo est commanditée par untel ou untel. C’est fatigant.

Carl-Edwin Michel

Des internautes se partagent même des informations sur les forums de Reddit, entre autres, afin de connaître les bloqueurs de publicités qui n’ont pas encore été identifiés par le site de vidéos. Des personnes disent aussi trouver infernale l’utilisation de YouTube sans ces outils, jugeant que les annonces y sont trop nombreuses.

YouTube a également enlevé la possibilité d’ignorer certaines publicités de 30 secondes sur les téléviseurs intelligents en 2023.

L’IA, porteuse parfois de mauvaises nouvelles

L’intelligence artificielle (IA) a connu son année de gloire en 2023, pour le meilleur et pour le pire. Mais la palme des fausses notes revient sans doute à Google, qui a récemment annoncé son IA Gemini, une nouvelle race d’IA, plus puissante que ChatGPT.

Dans son annonce, Google a fait une démonstration qui était finalement une mise en scène et a fait croire aux gens qu’on pouvait parler à l’IA avec la voix et obtenir des réponses quasi automatiques, explique Carl-Edwin Michel.

Finalement, ce n’était qu’un feu de paille. Ils ont été forcés d’admettre que ce n’était pas vrai. C’est un mensonge envers le public.

Carl-Edwin Michel

Il s’agissait de la deuxième bourde pour Google en lien avec l’intelligence artificielle. Lorsque l’entreprise a annoncé son robot conversationnel Bard en février, la démonstration avait laissé passer une réponse fautive de la part de l’outil d’IA générative. L’outil affirmait que le télescope James Webb a été le premier à photographier une planète hors du système solaire, alors que cet exploit a été réalisé en 2004 par le télescope géant européen.

Les entreprises technologiques ont été prises de court par ChatGPT, en se disant qu’il fallait rattraper le retard puisqu'il y avait un buzz. Mais elles ne sont pas toutes prêtes, et sautent des étapes, insiste l’expert.

Par ailleurs, le public canadien n’a toujours pas pu tester Bard, qui n'est pas encore accessible au pays. Même scénario du côté d’un autre concurrent, Claude, le robot conversationnel ultrapuissant de l’entreprise Anthropic.

Selon Carl-Edwin Michel, il semble que le Canada, ou même Montréal, qui est une plaque tournante de l’IA, notamment en recherche, l’échappe toutefois sur le plan commercial au profit des États-Unis et des géants du web, qui développent par dizaines des outils d’IA. L’expert souligne tout de même le travail de l’entreprise torontoise Cohere, qui tente de compétitionner avec ChatGPT.

Blocage de Meta

Carl-Edwin Michel l'affirme sans équivoque : le blocage des nouvelles des plateformes de Meta au Canada depuis le mois d'août est un gros flop cette année.

Les nouvelles sont tout de même encourageantes, avec Google qui a signé une entente – moins élevée que ce qu'on espérait – de 100 millions de dollars avec le gouvernement canadien. Mais Meta persiste et signe : elle ne compte pas réintégrer de nouvelles sur ses plateformes au pays tant et aussi longtemps qu’elle est incluse dans le projet de loi C-18.

Pour les médias et la démocratie, c’est un coup dur. Facebook, par exemple, devient infesté de fausses nouvelles et voit les sites à potins monter en flèche. Le contenu qu’on y offre est de plus en plus abrutissant, insiste-t-il, ajoutant que de naviguer sur les réseaux sociaux de Meta est devenu une véritable perte de temps.

Unity

La saga de Unity, qui signe l’un des moteurs de jeu les plus populaires de l’industrie, a secoué nombre de studios de jeux vidéo indépendants, notamment au Québec.

L’entreprise leur avait annoncé par communiqué l’ajout de frais de 0,20 $ US (0,27 $ CA) pour chaque installation d'un jeu développé avec son moteur, incluant ceux déjà publiés, ce qui aurait pu forcer de nombreuses équipes à mettre la clé sous la porte.

Devant la grogne, Unity s’est excusée, deux fois plutôt qu’une, en plus de se rétracter, en partie, ce qui a permis aux studios de pousser un soupir de soulagement.

Quand une communauté se rallie, elle peut bouger des montagnes.

Carl-Edwin Michel

Unity a appris à ses dépens qu'il faut écouter sa communauté et bien la sonder avant de faire des changements aussi drastiques. La grande majorité de leurs clients, ce sont de petits studios, et de prendre une décision qui va avoir un effet aussi important sur eux ne doit pas être pris à la légère, explique Carl-Edwin Michel.

Près d’un mois après le début de cette crise, le PDG de Unity, John Riccitiello, a annoncé sa démission.