Pékin a annoncé vendredi son intention d'appliquer de nouvelles restrictions sur les jeux vidéo en ligne afin de lutter contre le phénomène de dépendance, secouant ainsi le monde de la technologie, qui a vu s'envoler des dizaines de milliards de dollars de capitalisation.
Les nouvelles mesures visent notamment l'achat de crédits en cours de session, de façon à enrayer le phénomène de jeu compulsif, selon ce qu’a précisé l’organisme de régulation.
Le projet de règlement prévoit plus précisément de plafonner la recharge des portefeuilles dans les jeux et d'abolir les fonctions permettant d'augmenter le temps de jeu, qui sont souvent offertes en récompense à des connexions régulières.
Des messages surgissants (pop-ups) avertissant les joueurs et les joueuses que leur comportement est irrationnel
devraient également faire leur apparition.
Cette annonce a aussitôt fait dévisser en Bourse les géants technologiques chinois du jeu vidéo, le premier marché mondial, à commencer par le numéro un, Tencent, dont l'action a plongé de 15 % à Hong Kong. Le groupe a accusé une perte de capitalisation de pas moins de 54 milliards de dollars américains (71,4 milliards de dollars canadiens), selon l'agence financière Bloomberg News.
Autre colosse du secteur, NetEase a vu son cours reculer de plus de 30 %, et la société XD, de quelque 15 %.
Une industrie mise à mal
Le gouvernement chinois a commencé à s'attaquer au secteur du jeu vidéo en 2021, dans le contexte d'un durcissement réglementaire général vis-à-vis des géants technologiques du pays.
Pékin avait notamment imposé une limite stricte au temps que les enfants peuvent passer à jouer en ligne, et avait gelé pendant des mois les autorisations de mise sur le marché de nouveaux jeux.
Ces derniers temps cependant, l’industrie espérait que Pékin se montre désormais plus clémente à son égard. L’organisme de régulation avait annoncé l'an passé que la Chine avait résolu
le problème de dépendance des jeunes aux jeux.
Toutefois, les nouvelles mesures semblent indiquer que le large tour de vis sur les industries technologiques se poursuit, et pourrait même devenir plus agressif
, estime auprès de l'Agence France-Presse (AFP) Michael Brown, analyste pour l’entreprise de courtage Pepperstone.
Pour M. Brown, la mesure, qui a pris l’industrie locale par surprise, peut être motivée par la volonté d'orienter les dépenses des consommateurs et des consommatrices vers d'autres secteurs, dans un contexte de ralentissement économique.
Elle peut aussi viser à inciter davantage de jeunes à rechercher un emploi, le taux de chômage des 16 à 24 ans ayant atteint un record de 21,3 % selon les derniers chiffres, publiés en juin.
Une annonce difficile
En attendant, le texte frappe de plein fouet la grande majorité des opérateurs de jeux en Chine
et les obligera à revoir complètement leurs modèles de monétisation
, estime Zeng Xiaofeng du cabinet Niko Partners, interrogé par Bloomberg.
Les nouvelles mesures pourraient toutefois s'avérer bénéfiques pour les studios indépendants misant sur le haut de gamme et l'innovation, d’après Cheng Gong, PDG du studio Hanjia Songshu.
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Le secteur avait un peu le sentiment que le mauvais argent chassait le bon argent
, avec une surenchère publicitaire pour attirer un maximum de joueurs et de joueuses aux dépens de la créativité, indique-t-il à l'AFP.
Le projet de règlement réitère par ailleurs l'interdiction de contenus de jeux en ligne qui mettent en péril l'unité nationale
ou la sécurité nationale
, ou encore qui nuisent à la réputation et aux intérêts nationaux
.
Cela pourrait également encourager les entreprises chinoises à investir davantage à l’étranger, dont au Canada. En 2021, Tencent a ouvert un studio de sa filiale TiMi Group à Montréal et a racheté Klei Entertainment, basé à Vancouver. L’année suivante, l’entreprise a annoncé renforcer son capital du géant Ubisoft, bien implanté au Canada. Elle a aussi acquis le studio Inflexion Games d’Edmonton, en Alberta.
NetEase compte aussi plusieurs tentacules au Canada, dont trois studios seulement à Montréal (dont Quantic Dreams), un à Toronto, un à Vancouver et un autre à Burnaby. L'entreprise détient aussi des parts minoritaires dans le studio indépendant Behaviour Interactif, lui aussi de Montréal.