Un article écrit par Gildas Meneu

Les applis de livraison : pratiques mais coûteuses

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Les services de livraison de nourriture sont très populaires.

Les services de livraison de nourriture sont très populaires. Ils permettent de recevoir rapidement des plats cuisinés, des produits d’épicerie et même de dépanneur. Mais cette praticité a un coût : elle peut augmenter le prix initial d’un produit de 80 %, selon une estimation de L’épicerie.

Des millions de Canadiens et Canadiennes utilisent quotidiennement ces services de livraison, surtout des trois géants : Uber Eats, SkipTheDishes et DoorDash.

Uber Eats revendique 88 millions d’usagers dans le monde. DoorDash, plus de 32 millions. Même le plus petit joueur canadien, SkipTheDishes (de Winnipeg), a engrangé des revenus de plus de 600 millions de dollars en 2021.

Les consommateurs ne regardent pas nécessairement les détails de la facture. Et pourtant : elle grimpe vite. Très vite.

Praticité égale popularité

C'est rapide, c'est efficace, c'est commode. Les interfaces sont relativement fluides, ça nous dit à peu près quand ça va arriver. Donc, on a une instantanéité de consommation qui est efficace, qui répond à un besoin du consommateur, explique Paul-Antoine Jetté, comptable professionnel agréé (CPA), qui a analysé ce phénomène.

Une instantanéité qui a un prix : les compagnies de livraison facturent à la fois au consommateur des frais de service, des frais de livraison et le pourboire, et au restaurateur des frais de traitement de la commande.

Bien souvent, le restaurateur va refiler ces frais au consommateur en vendant son article plus cher à la livraison qu’au comptoir.

Un exemple : celui du fameux trio Big Mac de McDonald. Il coûte 11,19 $ au comptoir. Dans les applications, le prix de base est déjà à la hausse, à 13,79 $. Une fois livré, son prix a presque doublé.

Le restaurateur, lui, a des frais de plus associés à ce service. Il n’y a pas de magie dans la vie : le but d’un restaurateur, c'est de faire un profit. Si on y ajoute des coûts, il va vouloir ajuster sa charte de prix au menu en conséquence, détaille Paul-Antoine Jetté.

Des consommateurs prêts à payer

Les jeunes adeptes que l’équipe de L’épicerie a rencontrés sont conscients des frais associés à ces services. Et reconnaissent que cette praticité a un coût. Cependant, une de ces personnes, Simone, a supprimé récemment l’application qu’elle utilisait, en constatant qu’elle commandait peut-être trop souvent.

J'habite au centre-ville. Il y a plein d'options autour de moi. Je vais marcher pour aller me chercher de la nourriture. C'est mieux pour mon portefeuille et ma santé physique.

Simone

Dérapages au crédit

Qui dit facilité dit risque, note Paul-Antoine Jetté, parce qu’on pourrait perdre assez rapidement le contrôle de sa carte de crédit. Si on paye à temps, il n’y a pas d'intérêt, c'est vrai, mais il faut payer à temps tout le solde du compte. Tous les achats qui sont en retard se mettent à porter intérêt.

Explication des frais

Uber Eats

Frais de livraison : varient en fonction de l’emplacement et de la disponibilité des livreurs

Frais de service : restaurants et dépanneurs, 10 % du sous-total, minimum de 2 $ et maximum de 4 $ / Épicerie : 13 % du sous-total, de 5 à 15 $ / Alcools : 20 % du sous-total, de 5 à 15 $

DoorDash

Pas spécifié. Varient selon les commerces et la demande. Possibilité de payer plus si la commande est de petite valeur et/ou si la demande est forte.

SkipTheDishes

Selon le site de l'entreprise : Les frais de service sont un pourcentage du sous-total de ta commande. Les frais de service applicables à ta commande peuvent varier en fonction d’un certain nombre de facteurs, notamment le commerce que tu as choisi et la valeur des articles de ta commande. Le montant exact sera indiqué sur ton reçu lors du paiement.

Des taxes qui s’accumulent

Il faut savoir que les taxes s’appliquent à la fois sur la nourriture et sur les frais de livraison et de service. À ce total s’applique le pourboire, qui est souvent fixé de base à 20 %.

Évidemment, plus l’addition est importante, plus le pourboire est élevé. Et pourtant, comme le remarque Paul-Antoine Jetté, le prix coûtant de la livraison d’un plat à 15 $ est le même que pour un plat à 100 $ : même taux horaire du livreur, même kilométrage, même dépense d’essence.

Le pourboire est très important, raconte Marc-André Gagnon, un livreur qui travaille pour les trois plateformes. Il constate que plus le pourboire est élevé, plus le client sera mis en lien avec un livreur, qui ira donc chercher la commande plus rapidement, et la livrera… plus tôt que si le pourboire avait été plus faible.

Attention : tarification dynamique

Comme dans le cas des taxis Uber, les plateformes utilisent une forme de tarification dynamique.

C'est le principe par lequel le prix est modifié en fonction de la demande, explique Paul-Antoine Jetté. Plus il y a de demandes, plus le prix s'active à la hausse. On peut se demander si c’est très éthique parce que, dans le fond, une bouffe qui coûte plus cher parce que le monde a faim en même temps, c’est quand même un peu curieux.

De drôles de commandes

Marc-André Gagnon ne voit pas nécessairement la facture du client qu’il livre. Mais il constate qu’il livre parfois de petits sacs. J’ai déjà livré une frite moyenne. Une autre fois, un Mr Puff et aussi un pot de Nutella que je suis allé chercher au Walmart.

L’épicerie a fait l’exercice : sur Doordash, le pot de Nutella vendu par Maxi (5,45 $ le format de 375 g) coûte finalement, tous frais inclus, 14,33 $ à la livraison, soit presque le triple du prix initial.

Avec l’inflation galopante, cependant, il se peut que ces services connaissent une certaine décroissance, car selon NielsenIQ, 22 % de la population dit réduire son utilisation des services de livraison de repas.