Un article écrit par Stéphanie Dupuis

Pourquoi le jeu vidéo phénomène Palworld divise la toile

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Le jeu «Palworld» est offert en accès anticipé depuis le 19 janvier, ce qui veut dire qu’il peut contenir des bogues.Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
Le jeu «Palworld» est offert en accès anticipé depuis le 19 janvier, ce qui veut dire qu’il peut contenir des bogues.

Moins d'un mois après le début de l'année 2024, l’industrie du jeu vidéo connaît déjà son premier grand succès : Palworld. Décrit allègrement comme un « Pokémon avec des armes », il a réussi à attirer plus de 6 millions de joueurs et joueuses en quatre jours, selon son créateur Pocket Pair, un triomphe non sans controverses.

Pocket Pair, un petit studio japonais, en parle comme d'un jeu de survie et de construction en monde ouvert. Palworld se joue en solo, ou encore en ligne avec jusqu’à 32 joueurs et joueuses.

Sur les îles très colorées de Palpagos, on peut fabriquer des outils, cuisiner des repas et construire des abris. On y côtoie aussi une centaine de Pals, des créatures enfantines que l’on capture et collectionne dans son Paldex, puis qu’on entraîne au combat.

Depuis sa sortie sans tambour ni trompette le 19 janvier, le jeu – aussi offert sur Xbox – figure parmi les plus populaires de la plateforme Steam. Sur le site de diffusion en direct Twitch, il est parmi les jeux les plus diffusés et regardés de la plateforme.

Une ressemblance (trop) frappante avec Pokémon?

Selon Pocket Pair, Palworld a vendu plus de 6 millions d’exemplaires de son jeu en six jours, des données comparables aux plus récents jeux de Pokémon : Pokémon Legends: Arceus s'était vendu à 6,5 millions d’exemplaires en une semaine, et 10 millions d’exemplaires de Pokémon Violet et Pokémon Scarlet avaient été vendus en trois jours.

Il faut dire que plusieurs décrivent le titre comme le coup de modernité qu’attendaient depuis longtemps les fans de Pokémon, dont la série, inaugurée en 1996, peine à se renouveler, selon plusieurs analystes.

La ressemblance est si forte avec la populaire série de Nintendo que des internautes ont fait l’exercice d’associer des créatures Pals à leur équivalent Pokémon, soulevant de nombreuses questions à savoir s’il s’agit de plagiat.

Un youtubeur du nom de ToastedShoes a même créé une modification du jeu, appelé mod en anglais, qui remplace les Pals par des personnages de Pokémon. Il a toutefois dû retirer sa vidéo de démonstration du jeu modifié à la demande de Nintendo, connu pour être impitoyable quant à l’utilisation sans autorisation de ses licences.

Si Nintendo n’a pas encore réagi publiquement aux accusations de plagiat émises par le public, le PDG de Pocket Pair et développeur principal du jeu, Takuro Mizobe, a déclaré au média japonais Automation que Palworld avait réussi toutes les étapes juridiques nécessaires pour l’exonérer de violation des droits d’auteur.

Nous créons nos jeux très sérieusement [et] nous n'avons absolument pas l'intention d'enfreindre la propriété intellectuelle d'autres entreprises, a-t-il déclaré à Automation.

D’après Mizobe, le jeu s’inspire certes de Pokémon, mais davantage encore du jeu d’action et d’aventure de survie avec des dinosaures Ark: Survival Evolves, du studio Wildcard.

D’autres interrogations

Entre autres inquiétudes, plusieurs s’interrogent sur le fait d’implanter des armes à feu dans un jeu vidéo dont les graphiques plaisent aux enfants. Dans les bandes-annonces de Palworld, on peut voir à de nombreuses reprises son personnage prendre sa mitraillette, par exemple, et tirer sur des créatures. Le jeu est classé 12 ans et plus.

D’autres internautes montrent du doigt la potentielle utilisation de l’intelligence artificielle (IA) pour créer le jeu, une information pour laquelle la plateforme Steam exige depuis peu une grande transparence. Sur le site de Pocket Pair, on peut voir l’affection que porte le studio pour l’IA dans une autre de ses créations, AI: Art Imposter, un jeu PC lancé en accès anticipé en 2022, qui demande aux joueurs et joueuses de générer des images.

Mizobe a aussi inscrit la mention J’aime sur plusieurs publications sur X (ex-Twitter) de faux Pokémon générés par l’IA. Les preuves que le studio a utilisé ou non des modèles d’IA dans le développement de Palworld sont toutefois inexistantes.

Les activités du PDG du studio, Takuro Mizobe, soulèvent aussi des questions, lui qui est très actif dans le domaine des cryptomonnaies.

Sur son compte X (ex-Twitter), il s’identifie comme l’un des fondateurs de la firme d’échange de cryptomonnaies Coincheck. D’après ce que rapporte le journal français Le Monde, la plateforme, décrite à l’époque comme un symbole de la croissance des monnaies numériques au Japon, a dû rembourser à sa clientèle une somme d’environ 632 millions de dollars canadiens volés lors d’une importante attaque informatique survenue en 2018.

Toujours selon Le Monde, Mizobe a aussi été ingénieur en chef de l’entreprise d’investissement dans les cryptomonnaies Sprindle, soupçonnée par les autorités financières du Japon d’avoir enfreint les lois sur l’investissement, la poussant à déménager à Londres avant de fermer ses portes.

Une situation qui dégénère

Les accusations de plagiat en ligne ont envenimé le débat, conduisant même certaines personnes à envoyer des messages haineux aux artistes qui ont travaillé sur le jeu. Le PDG a lancé un appel au calme sur X, affirmant recevoir des commentaires diffamatoires et avoir même vu des publications qui ressemblent à des menaces de mort.

J'apprécierais que vous vous absteniez de calomnier les artistes qui ont travaillé sur Palworld, a-t-il écrit sur X.

Le studio Pocket Pair et Nintendo n'ont pas répondu dans l’immédiat à une demande de commentaires de Radio-Canada.